Un voyage intellectuel vers bitcoin
- C.F.
- 30 mars
- 4 min de lecture
Tout commence par un trouble diffus, une interrogation sourde face à l’économie contemporaine. Un malaise grandit, alimenté par le spectacle répétitif des crises qui se succèdent, par l’ombre grandissante de la dette publique, par cette étrange sensation que l’argent, au fil des décennies, perd quelque chose d’essentiel, comme une étoile qui pâlit lentement dans la nuit. L’intuition est là, insistante, mais imprécise. Ce n’est encore qu’un murmure, un doute furtif. Et pourtant, c’est ainsi que naît le voyage intellectuel : une errance d’abord hésitante, une quête dont on ignore la destination.
Les premiers pas se font dans la brume des constats. On tombe sur des penseurs qui lèvent le voile, qui mettent des mots sur ce qui, jusque-là, n’était qu’un sentiment diffus. Jacques de Larosière, implacable, dissèque quarante années d’égarements économiques et dénonce l’illusion financière qui envoûte les politiques monétaires. Kenneth Rogoff rappelle, dans un écho ironique, que les crises financières ne sont jamais aussi inédites qu’on le croit. Mais c’est Bastiat qui, le premier, ouvre une brèche véritable dans le mur des certitudes.
Avec "Ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas", il enseigne une leçon fondatrice : l’économie ne se limite pas à ses manifestations immédiates. Les conséquences invisibles, ces répercussions qui se déploient dans l’ombre, sont souvent plus déterminantes que ce que l’œil perçoit. C’est un déclic. Un basculement. On ne regardera plus jamais l’économie de la même manière.
Vient ensuite le besoin de structure, de profondeur. On quitte la simple observation pour entrer dans le domaine des principes. Ludwig von Mises érige une cathédrale conceptuelle : "L’Action Humaine" déploie la praxéologie, cette science de l’action qui expose, implacablement, pourquoi chaque intervention de l’État crée des déséquilibres inattendus. Rothbard enfonce le clou : "État, qu’as-tu fait de notre monnaie ?", une question qui sonne comme une accusation. Hayek, prophète des dangers du dirigisme, trace, dans "La Route de la Servitude", la pente glissante qui mène du socialisme à la tyrannie. Son "Pour une vraie concurrence des monnaies" ose une vision iconoclaste : et si la monnaie devait être affranchie de l’État ?
La question s’installe, obsédante : qu’est-ce que la monnaie ? Pascal Salin rappelle qu’elle n’est pas un simple instrument d’échange, mais une force structurante qui modèle toute l’économie. Jürg Guido Hülsmann pousse plus loin encore la réflexion : l’inflation monétaire n’est pas neutre, elle a des implications morales, elle pervertit la relation entre l’épargne et l’investissement. Fischer, Huerta de Soto, autant de guides qui révèlent un fait troublant : le crédit bancaire, tel qu’il est conçu aujourd’hui, n’est pas une mécanique anodine, mais une source systémique d’instabilité.
Alors surgit l’évidence : si la monnaie d’État est si faillible, existe-t-il une alternative ? On se tourne vers l’or, ce standard millénaire que Jacques Rueff et Antal Fekete défendent comme un rempart contre les dérives inflationnistes. Mais quelque chose cloche. À l’ère numérique, le retour à l’or semble irréalisable. Il manque un élément. Un maillon entre le passé et l’avenir.
C’est alors que Bitcoin entre en scène.
D’abord, c’est un choc. Un objet étrange, technique, un mystère cryptographique. Antonopoulos, Balva, Stachtchenko : ils en expliquent le fonctionnement, ils en dévoilent l’architecture. Mais c’est avec Ammous que vient la révélation : "L’Étalon Bitcoin" replace cette monnaie dans le grand récit de l’histoire monétaire. Bitcoin n’est pas une anomalie. Il est la résurgence d’un principe ancien dans un monde numérique. Nik Bhatia le décrit comme l’aboutissement d’une évolution séculaire des systèmes monétaires. Favier et Takkal Bataille lui confèrent une dimension presque politique : bitcoin est la monnaie acéphale, celle qui échappe aux hiérarchies traditionnelles.
Peu à peu, le regard s’élargit. Booth dénonce une monnaie fiat qui empêche le progrès de se traduire en déflation bénéfique. Brunton replace bitcoin dans la longue lignée des tentatives de créer une monnaie numérique résistante à la censure. Aumasson vulgarise la cryptographie qui le rend possible.
Et soudain, tout s’illumine.
Le bitcoin n’est pas seulement une nouvelle monnaie. C’est une révolution. Un défi lancé aux fondements mêmes de l’ordre économique actuel. Tocqueville offre un éclairage inattendu : la décentralisation n’est pas une nouveauté, elle s’inscrit dans une tradition démocratique qui a toujours lutté contre les forces centralisatrices. Nozick, Popper, Ayn Rand : leurs œuvres, révèlent une tension fondamentale entre la liberté individuelle et la volonté de contrôle. Satoshi Nakamoto apparaît alors comme un John Galt moderne, retiré dans l’ombre après avoir offert au monde un outil d’émancipation.
Mais un esprit curieux ne saurait se contenter d’une seule perspective. Il faut lire les adversaires. Piketty, Keynes, Hadjadji, Delahaye, Dufrêne, Couppey-Soubeyran : ils argumentent, critiquent, condamnent. Pourtant, à mesure que l’on s’imprègne de leurs objections, une certitude s’affermit. Leurs arguments ne font que souligner, en creux, la puissance de bitcoin.
Alors, après un lent cheminement depuis la critique du système actuel jusqu’à la découverte d’une alternative radicale, on comprend enfin. Bitcoin n’est pas un simple phénomène, ni une mode éphémère. C’est une renaissance monétaire, un retour à la rareté, à la responsabilité, à la souveraineté individuelle. Une réponse aux égarements d’un siècle de dérives monétaires. Un pont vers un avenir où l’argent ne serait plus l’instrument d’un État Léviathan, mais un bien commun, régi par les lois immuables et élégantes des mathématiques et du consensus.
Ce voyage intellectuel touche à sa fin. Mais en réalité, ce n’est que le début, car vous tombez dans le terrier du lapin blanc.