Introduction
Le bitcoin est un phénomène monétaire contestable, si on ne perçoit pas sa proposition de valeur, ou qu'on affectionne la monnaie centralisée en connaissance de cause ou non.
La proposition de bitcoin s'est de candidater pour être élue monnaie naturelle dans le Monde.
Le programme du candidat bitcoin à l'élection de monnaie naturelle repose essentiellement sur les droits naturels fondamentaux, et notamment les droits de propriétés et l'éthique.
Le consensus Proof of Work concentre une large majorité des critiques faites à bitcoin, car il nécessite énormément d'énergie électrique à une époque où l'écologie devient un sujet de plus en plus prégnant.
Pourtant, il ne faudrait pas comparer outrageusement le coût de production des unités bitcoin et de la sécurisation du réseau Bitcoin, à celui de la monnaie-dette. Il conviendrait d'apprécier les coûts globaux (directs et indirects) dérivant des deux systèmes monétaires. Et, dans cette comparaison, il faudrait considérer le grave préjudice économique et social qu'entraîne la répétition cyclique de dépressions économiques.
En fait, la transparence énergétique du réseau Bitcoin - contrairement à l'ensemble de l'écosystème traditionnel - est une aubaine pour tous ses farouches opposants, qui dédaignent se projeter un iota dans l'hypothèse d'un système monétaire différent de la monnaie-dette, et qui veulent manipuler l'opinion avec rouerie, sans débat sérieux, honnête et rationnel.
Ce débat ressemble à celui qui déjà eu lieu entre l'or et la monnaie fiat. Nous devons en ce sens citer le travail de Roger W. Garrison (professeur américain d'économie et chercheur adjoint à l'Institut Ludwig von Mises), avec la publication "The Costs of a Gold Standard" (1985).
https://mises.org/library/costs-gold-standard-0
http://webhome.auburn.edu/~garriro/g4gold.htm
Avec un consensus beaucoup plus sobre en utilisation d'énergie électrique comme les différentes formes de Proof of Stake, bitcoin serait peut-être tout aussi sécurisé à court terme (même si nous n'en avons aucune certitude puisque le seul véritable juge de paix est l'épreuve du temps).
Toutefois, la monnaie bitcoin ne véhiculerait pas les mêmes valeurs, et peut-être même que sur le long terme le réseau Bitcoin perdrait sa caractéristique anti-fragile.
Le Proof of Work c'est bien plus qu'un simple sujet technique d'ingénieur ou de mathématicien.
Il faut aussi l'examiner via le prisme de la sociologie économique de la monnaie pour en tirer des conclusions correctes.
C'est ce que je propose d'analyser dans cet article.
Une création monétaire éthique
Qu'est-ce qu'une monnaie éthique ?
Il n'y a pas une seule réponse à cette question, car elle est intimement liée à nos principes moraux.
Pour la philosophie politique libérale très attachée à la notion de souveraineté des individus, la réponse pratique à cette question, consisterait simplement à abolir le monopole de la monnaie puis à laisser les échangistes élire leur monnaie naturelle sur une zone optimale.
Dans un marché libre (sans monnaie à cours forcée), il est probable que ça soit une marchandise fongible et rare, qui soit élue après un processus social auto organisé plus ou moins long. Pour l'or, ça a pris des siècles.
Normalement, toujours dans un cadre libre et non forcé, la marchandise qui possédait auparavant des propriétés monétaires reconnues de tous sur une plus ou moins longue période, peut même être remplacée dès que les échangistes le souhaitent et qu'ils identifient et désirent ensemble une meilleure monnaie.
La notion d'acceptabilité de la monnaie est un concept intersubjectif, qui garde une part de mystère malgré toutes les tentatives d'explication des économistes, des sociologues et des philosophes de tous courants de pensée, depuis des siècles.
En ce sens, la monnaie semble s'opposer par nature au rousseauisme, car historiquement le fait monétaire a largement prouvé qu'il pouvait réfuter la loi civile. La loi naturelle semble plus apte à expliquer toute l'entièreté du fait monétaire.
"Droit naturel vs Droit positif", c'est sans doute là que se situe finalement la véritable profondeur et complexité du débat entre "Monnaie et Crédits", puis "Monnaie désirée et Monnaie forcée".
Ce droit naturel a fait l'objet de réflexions philosophiques importantes (Aristote, Socrate, Platon, les Stoïciens, Thomas d'Aquin, l'école de Salamanque, Frédéric Bastiat, Hans-Hermann Hoppe, John Locke, Jean Bodin, Murray Rothbard, Leo Strauss, Diderot, Jean Bodin, Montesquieu, Emile Durkheim, Thomas Hobbes, Hayek,...).
Dès lors, on comprend pourquoi la monnaie et plus particulièrement bitcoin "déchaine" les passions.
Sans doute, que le débat sur bitcoin ne trouvera jamais vraiment d'issue via un consensus théorique.
Seule une large majorité d'échangistes via l'adoption ou non de bitcoin - en pratique - pourra imposer ou non à tous un changement monétaire.
Plus prosaïquement, les critères fondamentaux d'une bonne ou d'une mauvaise monnaie, sont d'abord la vendabilité dans l'espace et la vendabilité dans le temps.
Sur ces simples critères théoriques, bitcoin a déjà gagné par KO contre la monnaie fiat.
Comme une monnaie n'est qu'un medium d'échange dans l'espace et dans le temps, et pas une véritable richesse, une monnaie éthique devrait être neutre.
Mais la neutralité totale d'une monnaie est une ambition inatteignable à cause de la production monétaire.
Chaque nouvelle unité monétaire créée que ça soit dans la monnaie-dette, ou la monnaie marchandise (or, argent, bitcoin,...), est une mécanique qui rompt aussitôt avec la neutralité de la monnaie.
Dans un système économique fermé (pour simplifier), chaque unité monétaire nouvellement créée vient diluer la valeur du stock monétaire déjà en circulation. En outre, cette dilution du pouvoir d'achat des encaisses nominales n'est pas immédiate et homogène, par conséquent, la manière (comment, pourquoi, où et à qui) dont vous injectez les nouvelles unités monétaires n'est aucunement neutre.
C'est la raison pour laquelle nous avions (seulement jusqu'en 2021) via notre système de monnaie-dette des inflations sectorielles (immobiliers et titres financiers). Cette création monétaire n'est pas neutre, puisqu'elle favorise l'emprunteur à l'épargnant, et l'inflation (transferts de richesses) dans des secteurs bien spécifiques.
Dit autrement, la création de monnaie exproprie du pouvoir d'achat des anciens propriétaires du stock de monnaie, au profit des détenteurs des unités nouvellement créées.
Pour que la monnaie approche autant que possible une éthique satisfaisante, il faut donc être extrêmement vigilant aux nombres d'unités monétaires nouvellement créées dans le temps, ainsi qu'à la façon de les introduire dans l'économie.
Pour la première problématique, le courant autrichien a résolu en partie le problème en affirmant que la création monétaire devait être fortement limitée.
C'est pourquoi ils ont toujours poussé pour un étalon or pur.
L'or est le métal le plus rare, et son stock évolue très lentement dans le temps.
Dans l'absolu, si ça existait dans la nature, ils seraient partisan d'une monnaie marchandise dont le stock est strictement limité.
Une économie peut très bien fonctionner avec un stock d'encaisses nominales fini.
Dans un tel système monétaire, c'est le stock tout entier (la valeur réelle des encaisses nominales) qui prendrait de la valeur en fonction de la création de véritables richesses et des désirs des échangistes.
Avec le bitcoin, nous avons pour la première fois de notre Histoire, une monnaie dont le stock sera totalement fini (lorsque son émission programmée s'arrêtera en 2140). Du fait des "halving", le ratio stock/flux du bitcoin est intrinsèquement voué à augmenter dans le temps. Le bitcoin sera déjà plus dur (ratio stock/flux ou l'inverse le taux d'inflation) que l'or à partir de 2024. Le bitcoin sera la marchandise fongible la plus "dure" de toute l'Histoire et sur toute la planète Terre.
C'est pour cette raison, que beaucoup de personnes dans le Monde pensent que le bitcoin est le meilleur candidat à l'élection d'une monnaie naturelle.
Cette dureté sans pareille, consacre bitcoin comme la marchandise ayant un potentiel monétaire avec la meilleure "vendabilité dans le temps" (théorique pour le moment).
Dans la nature, la distribution initiale de chaque nouvelle unité d'une monnaie dure telle que l'or passait obligatoirement par une recherche sans garantie de succès, et avec la possibilité de perdre sa mise, via des personnes ou des entreprises minières, parfois à la solde d'un Etat.
La création monétaire passait le plus souvent par des profils "d'entrepreneur" (des pionniers).
Et, le lieu d'introduction des unités monétaires était peu ou prou l'endroit où vivaient les propriétaires de cet or (parfois très loin de la zone aurifère).
Malheureusement, cet âge d'or déboucha quelquefois sur des courants de pensée économiques comme le bullionisme ou le mercantilisme, et sur de l'inflation (comme en Espagne au XVI ième siècle).
Cette confusion entre richesse et monnaie, et la course à l'extraction qui s'en suivit, était un problème tant que l'extraction de l'or dans le monde n'avait pas atteint une asymptote.
Aujourd'hui, l'importance relative des volumes de production par rapport aux stocks d'or existant dans le monde est pratiquement insignifiant.
Pour cette raison, l'or est presque la monnaie parfaite.
Je dis "presque" car ce métal souffre de deux gros défauts.
Le premier défaut : l'or de part sa nature physique, possède une vendabilité dans l'espace très médiocre. Dans une économie marchande mondialisée et digitalisée c'est rédhibitoire.
Le deuxième défaut : toujours à cause de cette nature physique, l'or est difficilement sécable en sous-unités. Cette faible sécabilité est un problème insoluble dans un régime de prix déflationniste induit par un stock limité d'unités monétaires.
Pourtant, les monnaies naturelles comme l'or, simplifiaient finalement beaucoup la problématique de l'éthique de la production monétaire car la société dans son ensemble semblait accepter plus facilement que ce travail d'extraction puisse enrichir la personne ou l'entreprise ou l'état (dans certaines limites morales) qui se donnait du mal à exercer cette activité entrepreneuriale.
En sus, l'or semblait plus éthique parce que la dispersion aléatoire des zones aurifères n'est pas la conséquence d'une décision arbitraire humaine.
Finalement, en temps de paix, cette création monétaire était basée sur le mérite individuel ou collectif.
La place sociale du profil de "l'entrepreneur" extracteur d'or ne garantissait peut-être pas la totale neutralité de la création monétaire, mais c'était la moins mauvaise des solutions.
Quel autre moyen que la libre entreprise avons-nous à notre disposition pour distribuer éthiquement les nouvelles unités monétaires d'une monnaie marchandise dure ?
Le mérite et la libre concurrence semble bien la solution la plus éthique et naturelle pour introduire de nouvelle unités monétaires dans une économie marchande.
La prudence thomasienne de l'entrepreneur
Contrairement à beaucoup d'autres idéologies politiques et et économiques, la figure de l'entrepreneur est extrêmement importante pour le courant libéral.
C'est la colonne vertébrale de l'économie marchande.
Sans entrepreneur (économie soviétique), il n'y a pas durablement de production de richesses.
Son rôle est très présent dans les analyses des économistes du courant autrichien.
Schumpeter, Mises, Kirzner, et même Jean-Baptiste Say (précurseur de certaines idées de l'école autrichienne) ont beaucoup étudié le rôle de l'entrepreneur dans nos sociétés.
Par exemple, Kirzner qualifiait les entrepreneur de "force équilibrante".
Say disait que la principale qualité de l'entrepreneur qui réussit est son "bon jugement".
Ou encore, Mises évoquait le "coup d'œil plus prompt que la foule" de l'entrepreneur.
D'ailleurs, c'est très frappant de voir que les partisans de bitcoin dans le monde ont très souvent des profils d'entrepreneurs. Ce n'est pas un hasard.
Entreprendre c'est à la fois innover, imaginer, avoir un bon jugement et être vigilant.
La première fonction de l'entrepreneur est de gérer l'incertitude.
Et, à travers ses décisions, l'entrepreneur entretient la dynamique d'ajustement du marché.
Comme l'entrepreneur est directement impacté aux conséquences de ses décisions, il a une action prudence qu'on pourrait qualifier de thomasienne (Saint Thomas d'Aquin).
L'entrepreneur sait que le monde est imprévisible et il s'y prépare.
L'entrepreneur ne peut pas être passif vis-à-vis du futur et reporter les solutions du passé.
Il doit au contraire, préparer l'avenir en imaginant les mondes futurs, en jugeant de leur probabilité de survenance.
Cette vigilance de l'entrepreneur, est la caractéristique anti-fragile du consensus Proof of Work avec les mineurs (activité devenue industrielle et professionnelle).
Conclusion
Dans le cadre d'une monnaie naturelle "phygitale", la pertinence du consensus Proof of Work ne doit pas être jugée exclusivement via une grille de lecture technique sinon on passe à côté de l'essentiel.
Le rôle de l'entrepreneur dans ce type consensus, est crucial pour l'éthique de la production monétaire.
Et, confier l'intégrité et la sécurité du réseau Bitcoin à des entrepreneurs qui ont une incitation au profit et à la perte, est la meilleure assurance d'une adaptation dans la durée à l'imprévisibilité du Monde (ordinateurs quantiques, avancées mathématiques, débats sur les mises à jours du noyau de bitcoin,...).
Je suis persuadé que les échangistes ressentent inconsciemment ce rôle de l'entrepreneur dans le réseau Bitcoin dont la blockchain ouverte forme comme une "mini société" partageant un socle de valeurs communes, et cela participe sans doute grandement à cristalliser la foi sociale, le fait monétaire, ainsi qu'à donner de la valeur intrinsèque aux unités bitcoin.
C'est ce qui fait aussi avec la rareté, que seule la cryptomonnaie bitcoin peut-être vue comme une marchandise aujourd'hui. C'est un préalable indispensable pour candidater en tant que monnaie marchandise naturelle.
Contrairement au consensus Proof of Stake qui ressemble à un système monétaire capitaliste, le consensus Proof of Work est profondément libéral.
Rappelons que le capitalisme peut parfois devenir antilibéral (capitalisme de connivence et financier).
Toutefois, la cohabitation monnaie fiat et bitcoin, ne ferme pas totalement la porte à une forme de centralisation du mining. Charge aux entrepreneurs et à la libre concurrence, de se montrer imaginatif pour contre-carrer la concentration du capital dans cette industrie. Via par exemple, l'utilisation de sources d'énergie électrique les moins chères (souvent plus distribuées), ou en améliorant l'efficacité énergétique du matériel.
Bitcoin sans Proof of Work, ne serait plus vraiment Bitcoin car bitcoin ne serait plus vraiment une monnaie libre.