J'étais parti pour écrire - pour la première fois - un article sur le "Proof of Work" sur le réseau Bitcoin, mais le sujet de l'euro me semble davantage d'actualité. La raison d'être de bitcoin c'est la monnaie fiat, par conséquent cela me semble légitime d'en parler dans le cadre de mon blog. Cet article prendra la forme d'un billet d'humeur car il s'adresse à un public plus large. Concernant le titre, certains reconnaitront sans doute le clin d'œil à la publication de Murray N. Rothbard, "What Has Government Done to Our Money?", en 1963.
Inflation persistante
La thèse des banques centrales sur l'inflation qui devait seulement être temporaire a largement été battue en brèche, et on commence même à entendre les premiers mea culpa outre-Atlantique. Ces regrets ne sont évidemment pas tout à fait à prendre au premier degré, ce sont plutôt des stratégies de communication afin qu'une colère sociale ne vise pas les gouvernements élus. Mais ce paratonnerre ne fonctionnera pas longtemps. Les dommages causés par les politiques monétaires avec un déphasage sur l'économie réelle, finiront certainement par avoir des conséquences politiques réelles.
La lente connexion entre phénomènes monétaires et réels
En économie, nous voyons les conséquences de certaines décisions qu'après plusieurs années. L'inflation a mis 12 à 24 mois après l'hyper expansion monétaire à se faire ressentir. C'est parce que le lien entre inflation fiduciaire (phénomène monétaire) et hausse des prix généralisée (phénomène réel) n'est pas quelque chose de direct. L'hyper expansion des crédits déstabilise d'abord les structures de production et les biens d'équipements, avant les biens finaux. Ce cycle prend du temps. La contraction des crédits n'a démarrée qu'il y a quelques semaines aux USA, on peut donc faire l'hypothèse que l'inflation devrait rester élevée encore 12 à 24 mois.
Les causes de l'inflation
Dans le traitement journalistique de l'inflation en France, je suis surpris par le manque d'esprit critique qui règne sur les causes de cette inflation, alors qu'aux Etats-Unis des voix discordantes se sont d'ores et déjà élevées (Nouriel Roubini, Lawrence H. Summers,...). Bien sûr, on nous rétorque en Europe que l'inflation ne serait pas de la même nature. La grande question, est de savoir si cette inflation est le résultat d'une demande globale excessive, ou de chocs négatifs de l'offre. Autrement dit, si cette inflation est à cause de politiques monétaires, de crédits, et de budgets élastiques, ou à cause des blocages liés au Covid notamment en Chine, des goulots d'étranglement de la chaîne d'approvisionnement, de la grande démission d'une partie de la main d'œuvre, et des conséquences de la guerre en Ukraine sur le prix des matières premières.
Finalement, il y a sans doute un mélange complexe de ces deux facteurs (offre et demande).
Récession mondiale et crise de la zone euro
Il est probable qu'actuellement, nous soyons déjà dans l'œil du cyclone. Une forte inflation n'était pas quelque chose de réjouissant, alors une probable récession n'est pas une bonne nouvelle. Toutefois, il y a pire en Europe. Comme en 2012, l'Europe va peut-être devoir faire face à un nouvelle crise de l'euro dans les prochains mois. Les endettements des Etats sont plus importants qu'en 2012, le bilan de la banque centrale est catastrophique (2700 milliards en 2012 contre presque 9000 milliards en 2022), et contrairement à 2012 nous avons une inflation très élevée qui va réduire considérablement les marges de manœuvre de la BCE. Dix ans après sa création, l'euro avait été sauvé in extremis grâce à l'esprit fécond des experts. Dix ans plus tard, l'euro devrait bientôt subir un nouveau stress test majeur. Les tensions géopolitiques, les tensions géoéconomiques, et les tensions monétaires forment un cocktail explosif. Dans ce contexte très difficile, la fin de cette période de turbulence, sera encore plus incertaine qu'en 2012. Si l'euro rentre dans la tourmente, seule l'Allemagne devrait être en mesure de venir à son secours. Est-ce que le nouveau chancelier allemand va accepter de sauver l'Europe du Sud ?
L'Histoire retiendra peut-être que la grande pandémie aura porté le coup de grâce à l'euro. Il faut ardemment souhaiter que ça ne soit pas le cas, mais l'euro semble bien une nouvelle fois dans une situation extrêmement périlleuse.