L’État naît toujours d’une promesse : protéger, garantir, encadrer. Il se veut arbitre, rempart, bras invisible d’une justice qui transcende les intérêts particuliers. Mais l’histoire est un cimetière d’États qui, partis de cette noble ambition, ont dérivé vers l’ivresse de leur propre existence. Ce qui devait être un instrument devient une fin en soi. L’État grossit, se renforce, se complexifie, s’entoure de lois et de règles qui, plutôt que de protéger l’individu, finissent par le plier sous leur poids. Il ne se contente plus de veiller à l’ordre et à la liberté, il s’infiltre dans chaque recoin de l’existence, se persuade qu’il sait mieux, qu’il peut mieux, qu’il doit mieux. Et il réclame, inlassablement, davantage. Davantage de moyens, de prérogatives, de contrôle. Davantage de vous. Car l’État est un organisme vivant, et comme tout organisme, il cherche d’abord à survivre, puis à croître. Il n’a pas de morale, pas de conscience propre. Il ne sert pas le bien commun, il sert sa propre perpétuation. Les institutions, censées être des structures au service des citoyens, se transforment en machines qui justifient leur existence par leur simple présence. Elles se protègent, s’autoalimentent, se dédoublent. Elles créent du besoin pour s’assurer d’être nécessaires. Elles cultivent la dépendance. Chaque crise devient une opportunité, chaque menace un prétexte à l’expansion. Loin de se cantonner à ses fonctions régaliennes, l’État se mêle d’économie, d’éducation, de santé, d’opinion. Il dicte, oriente, surveille. Il infantilise au prétexte de protéger. Et toujours, sous couvert d’un bien supérieur, il empiète. Critiquer l’État n’est pas un caprice d’anarchiste ni une lubie de libéral intransigeant. C’est un impératif. Car un État que l’on ne critique pas est un État qui prolifère, qui se croit légitime en tout, qui oublie qu’il doit rendre des comptes. Un État que l’on ne surveille pas est un État qui s’arroge des droits qu’il n’a pas, qui impose des normes au lieu de les faire respecter, qui transforme la liberté en une concession précaire plutôt qu’en un droit inaliénable. L’État doit être contenu, encadré, ramené sans cesse à sa mission première : garantir la liberté en la limitant le moins possible. Il doit craindre le regard du citoyen, trembler sous la critique, sentir peser sur lui le poids du contrôle. Car sans cette vigilance, il deviendra ce qu’il est programmé pour devenir : une entité autonome, une structure vivant pour elle-même, un monstre qui ne protège plus mais dévore.
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