Depuis que j’observe le phénomène bitcoin, je suis frappé par la confusion qui règne autour des courants politiques. Que ce soit chez les pro ou les anti-bitcoin, il existe une méconnaissance profonde des idéologies sous-jacentes. Cette confusion s’aggrave lorsque des figures médiatiques comme Donald Trump, Elon Musk ou encore Javier Milei émergent sur la scène mondiale. Ajoutons à cela le prisme souvent biaisé des médias français, majoritairement orientés à gauche, et nous avons un cocktail parfait pour une compréhension erronée des courants politiques.
En 2024, avec l’élection présidentielle américaine, cette confusion est flagrante. Beaucoup classent Trump, Musk, ou encore Milei dans un même sac idéologique : celui de "l’extrême droite". Ce raccourci masque pourtant des différences fondamentales et des incompatibilités idéologiques majeures. Marine Le Pen, Donald Trump, Elon Musk et Javier Milei n’ont en réalité que peu en commun. Pourquoi alors cette méprise ? À mon sens, cela découle d’une vision simpliste et unidimensionnelle de l’échiquier politique, réduit à un axe gauche-droite.
Or, la réalité est beaucoup plus complexe. Et si l’on ajoutait une dimension supplémentaire pour mieux comprendre ces nuances ?
Un échiquier politique en 2D : ajoutons une ordonnée
L’axe gauche-droite traditionnel, bien qu’utile, est insuffisant pour capturer la richesse et la diversité des idéologies politiques. Cet axe repose généralement sur la vision économique : à gauche, on prône une plus grande intervention de l’État et une redistribution des richesses ; à droite, on valorise le marché libre et la propriété privée.
Mais cette lecture unidimensionnelle occulte une dimension clé : le rapport à l’État. C’est pourquoi je propose d’ajouter un axe vertical (les ordonnées), qui mesure la place de l’État dans la société :
En haut : les courants les plus libéraux, voire anarcho-capitalistes, qui veulent réduire l’État à sa plus simple expression, voire l’abolir.
En bas : les courants étatistes ou souverainistes, qui placent l’État au centre de leur projet politique.
Avec cette représentation en 2D, tout change. On peut mieux distinguer des figures comme Elon Musk (libertarien), Trump (paléo-conservateur), Javier Milei (anarcho-capitaliste) et Marine Le Pen (souverainiste et étatiste). Leur position sur l’axe gauche-droite peut parfois se ressembler, mais leur place sur l’axe vertical les différencie profondément.
Le populisme : une rhétorique qui transcende les axes
Un autre facteur clé dans la confusion autour des courants politiques est l’utilisation du populisme. Contrairement à une idéologie, le populisme n’est ni une philosophie ni un programme cohérent : c’est une rhétorique.
Le populisme se caractérise par une opposition binaire entre "le peuple" et "l’élite". Cette rhétorique peut être mobilisée à gauche comme à droite, voire par des courants qui se situent haut ou bas sur l’axe vertical. Le populisme repose sur des promesses simplistes, souvent séduisantes, pour répondre aux frustrations populaires, mais il n’impose aucune cohérence idéologique sous-jacente.
À gauche, le populisme peut se manifester par des mouvements qui dénoncent le capitalisme et les grandes entreprises
À droite, il prend la forme de dénonciations contre l’immigration, la mondialisation ou les élites technocratiques.
Sur l’axe vertical, on trouve des populismes étatiques, qui promettent un État fort et protecteur, mais aussi des populismes libertariens, qui séduisent en dénonçant les excès de l’intervention gouvernementale.
C’est pourquoi des figures comme Donald Trump ou Marine Le Pen sont souvent qualifiées de populistes, malgré leurs différences fondamentales sur le plan idéologique. Le populisme devient une "couleur politique" qui peut teinter n’importe quel programme, sans pour autant le définir.
Ce qui fait du populisme un phénomène transversal, c’est sa capacité à s’adapter au contexte et aux peurs du moment. Par essence, il exploite les émotions : la peur, la colère, la frustration. Cela le rend difficile à classer sur un échiquier politique. En revanche, il est essentiel de comprendre que le populisme n’est pas un indicateur de positionnement sur un axe : c’est un outil qui peut être employé par n’importe quel courant politique.
Exemple de positionnement sur cet échiquier en 2D
Marine Le Pen
Abscisse (gauche-droite) : très à droite.
Ordonnée (étatiste-libéral) : très en bas, car elle prône une forte intervention de l’État, notamment en matière économique et sociale.
Populisme : recours important à une rhétorique anti-élite et protectionniste.
Donald Trump
Abscisse (gauche-droite) : très à droite.
Ordonnée (étatiste-libéral) : en haut, car s’il prône un État moins intrusif (réduction des impôts et des réglementations), il n’est pas un pur libéral.
Populisme : discours anti-élite et nationaliste, particulièrement contre les élites globalistes.
Elon Musk
Abscisse (gauche-droite) : plutôt à droite, mais pas extrême.
Ordonnée (étatiste-libéral) : très en haut, car son approche libertarienne valorise l’indépendance individuelle et la réduction du rôle de l’État.
Populisme : un peu, sa communication étant plus technique et orientée sur l’innovation.
Javier Milei
Abscisse (gauche-droite) : difficile à classer, car son anarcho-capitalisme transcende ce clivage. Je dirais au centre (comme Rothbard).
Ordonnée (étatiste-libéral) : tout en haut, car il milite pour une abolition quasi-totale de l’État.
Populisme : discours anti-élite focalisé sur les élites politiques et économiques.
La clé : ne pas tout mélanger
Ce modèle en 2D permet de comprendre que les idées dites "de droite" ne forment pas un bloc monolithique. Être à droite ne signifie pas être extrême. Et surtout, des figures politiques comme Trump ou Musk n’ont rien à voir avec l’extrême droite telle qu’elle est définie en France, où l’État joue un rôle central.
L’extrême droite, au sens propre, est étatiste. Elle prône un État fort, souvent autoritaire, avec un contrôle accru sur la société. Marine Le Pen correspond probablement plus à cette définition. Les libertariens, comme Elon Musk, sont l’exact opposé : ils veulent un État minimal, voire inexistant. Les associer à l’extrême droite est donc une aberration.
En parallèle, le populisme transcende ces axes. Il peut servir à mobiliser des soutiens à gauche, à droite, ou ailleurs, en exploitant une opposition binaire simplifiée entre "le peuple" et "les élites". Mais il reste avant tout une stratégie de communication.
Pourquoi c’est important ?
Cette confusion sur les courants politiques ne se limite pas à une simple méprise intellectuelle. Elle alimente des discours caricaturaux et des jugements biaisés. En comprenant mieux ces nuances, nous pouvons engager des débats plus constructifs, moins émotionnels, et mieux appréhender des phénomènes comme bitcoin, qui lui-même s’inscrit dans une philosophie libertarienne.
Conclusion
Il est temps de sortir de la lecture simpliste et unidimensionnelle des courants politiques. En ajoutant une dimension supplémentaire – la place de l’État – et en comprenant le rôle du populisme comme une rhétorique indépendante, nous découvrons une richesse idéologique qui clarifie bien des malentendus. Elon Musk n’est pas Marine Le Pen. Trump n’est pas Javier Milei. Et le bitcoin n’a rien à voir avec l’extrême droite.
Un débat éclairé commence par une cartographie précise des idées. Adoptons cette vue en 2D et remettons un peu d’ordre dans le chaos des étiquettes politiques.