Quelle description macroéconomique entre la stagnation séculaire ou le super cycle de la dette est la plus convaincante, et quel avenir pour bitcoin ?
Introduction
Une période économique passionnante
Le retour de l'inflation, me fait penser à une scène du film "Independance Day" (1996), où on apprend que cela fait 15 ans qu'un savant travaille dans son laboratoire secret sur un aéronef d'origine inconnue, mais qu'il n'avait pas appris grand chose sur son fonctionnement.
Et, quand le vaisseau mère du petit aéronef arrive près de la Terre, ce même savant en apprend bien plus en quelques jours qu'en 40 ans, car tous les voyants de l'aéronef s'allument enfin.
Ce savant trouve cette période "excitante" pour ses recherches, bien qu'il y ait déjà eu pas mal de dégâts sur Terre.
J'ai l'impression que le retour de l'inflation dans les biens et services courants, après des décennies, a le même effet sur tous les voyants économiques.
La période actuelle aura peut-être cela de positif : nous allons pouvoir en tirer de nouvelles théories économiques, ou en confirmer/réfuter certaines.
Un article qui mêlera macroéconomie et bitcoin
Je m'attaque ici à un de mes articles les plus difficile, puisque je souhaite réfléchir sur les principales forces macro-économiques à l'œuvre dans les prochaines années, qui pourraient jouer un rôle à la baisse ou à la hausse sur le pouvoir d'achat des unités bitcoin.
Je ne parle pas de prix des unités bitcoin car dans l'hypothèse où bitcoin rentrait en "permanent backwardation" (comme la théorie de la "Permanent Gold Backwardation" de l'économiste Antal E. Fekete), le bitcoin deviendrait son propre référentiel de pouvoir d'achat de biens et services.
Bien sûr, c'est un scénario avec une probabilité quasi nulle, ou une réalisation extrêmement temporaire, le temps que les Etats reprennent la main sur la monnaie fiat qui serait en déroute.
Cependant, personne ne peut prévoir comment réagirait la population une fois la confiance monétaire rompue, puisqu'il existe désormais des solutions alternatives qui ne reposent plus sur la confiance centralisée.
Une "économie irrationnelle"...quand la politique s'en mêle
Toute personne qui s'intéresse un tant soi peu à l'économie, sait qu'il ne s'agit pas d'une science dure, et que la vérité d'un jour n'est pas toujours celle du lendemain.
Keynes a eu ses moments de gloire, et Hayek aussi.
Il existe même constamment plusieurs explications pour décrire le monde, car les courants économiques sont nombreux.
Toutefois, le courant néokeynésien est le courant dominant depuis quelques décennies.
C'est le courant préféré du monde académique et politico administratif, car il y a l'économie et in fine...les choix politiques, qui comportent bien d'autres paramètres :
Comme l'électoralisme, le clientélisme, le seuil de tolérance de la population à la régression du modèle social, la lutte contre le réchauffement climatique, les problèmes géopolitiques, ou les évènements rares négatifs.
Le succès d'estime de ce courant économique depuis presque un siècle doit beaucoup au fait qu'il soit pleinement compatible avec le socialisme démocratique, qui est la philosophie politique dominante sur la même période.
Les politiques, y compris en Chine, sont plutôt convaincu par le marché libre pour créer de la richesse, quand il ne la confonde pas avec la création monétaire, mais beaucoup moins par la philosophie politique libérale qui limiterait leurs pouvoirs.
Pourtant, l'action humaine, l'ordre spontané et la liberté d'entreprendre, sont empiriquement des meilleurs principes pour accroître réellement et durablement le bien être.
Sans liberté d'entreprendre, il n'y a pas de créativité, et la croissance schumpétérienne basée sur l'innovation n'est pas possible.
Et comme, le filon de la croissance ricardienne n'est plus exploitable dans nos pays développés, nous héritons d'une croissance atone.
Un cône de vraisemblance
Cette explosion combinatoire des trajectoires économiques à cause de l'interventionnisme politique, rend bien sûr l'exercice de projection très incertain.
Nous n'avons pas de boule de cristal, mais nous avons des tendances économiques, de l'historionomie, et des théories économiques plus ou moins admises, même si parfois il est difficile de distinguer les causes des conséquences.
C'est vrai pour l'inflation.
Le bitcoin et "Independance Day"
Le bitcoin est un Objet Volatile Non Identifié.
Le bitcoin se comporte un peu comme cet aéronef du film "Independance Day".
Il est aujourd'hui un peu inerte et inutile en Occident, jusqu'à ce qu'il y ait un jour un évènement rare venant de "nulle part".
Cadre d’hypothèses restrictives
Pour simplifier la suite de notre analyse, j'étudierai les trajectoires de bitcoin, "toute chose égale par ailleurs".
C'est à dire que je vais considérer que tous les paramètres concernant l'écosystème "Bitcoin & bitcoin" resteront identiques.
On exclut de fait la possibilité d'un bug technique dans la chaîne Bitcoin, d'un changement significatif dans le cadre législatif ou dans l'écosystème.
En outre, je me placerai dans un contexte subjectif d'un citoyen lambda d'un pays développé occidental.
C'est un cadre important à poser au préalable car le bitcoin n'a pas la même utilisation ou le même potentiel, en fonction de la zone géographique.
Quelle définition de bitcoin retenir pour notre analyse ?
Dans un pays occidental, la meilleure définition de bitcoin, c'est l'Or numérique.
Certains, le voit plutôt comme un simple système de paiement sans intermédiaire, ou plus flou comme un internet de la valeur, mais je ne partage pas vraiment ces deux visions purement protocolaires.
La valeur monétaire n'est pas un simple protocole neutre de transmission de l'information comme le HTTP ou le SMTP.
Les Etats acceptaient une information neutre bien avant internet, notamment parce que la liberté d'expression était un droit fondamental reconnu.
Comme nous vivons dans un monde où la monnaie n'est plus neutre depuis longtemps, le bitcoin est une application monétaire qui a un forte valeur politique.
Le pouvoir monétaire est un totem et un tabou absolu.
Une autre définition de bitcoin que j'aime bien...peut-être parce que c'est la mienne ;) est :
Le bitcoin est la première monnaie marchandise frappée numériquement.
Inquisition contre l'ultracrépidarianisme
Je ne suis pas du tout économiste, mais je suis convaincu que l'économie est avant tout du bon sens et de la logique, donc je pense qu'on a le droit en tant que simple citoyen, et même peut-être le devoir quand ça semble aller plutôt mal, de réfléchir à tous ces sujets sans avoir la formation idoine.
Je lis quand même régulièrement des livres d'économie et de philosophie politique, y compris sur le socialisme, en autodidacte depuis longtemps.
Je n'aime pas spécialement le tournant mathématiques ou des agrégats dans l'économie, c'est la raison pour laquelle j'ai été rapidement séduit par l'école autrichienne d'économie, au delà du fait que ce courant défend des idées libérales.
De toute façon, les formations académiques avec des financements étatiques ont tendances, même involontairement, à délégitimiser les courants libéraux.
Si vous voulez mettre toutes vos chances de votre côté pour faire une trajectoire professionnelle d'économiste à notre époque, il est préférable d'être "néokeynésien compatible" au niveau de votre "mindset".
C'est l'époque qui veut ça, c'est indépassable.
Tout ça pour dire que si un de mes raisonnements dans cet article est scientifiquement erroné et pas seulement sur la base d'une simple opinion politique non partagée, je propose d'échanger.
Les variables majeures pour l'avenir de bitcoin
Pour l'avenir de bitcoin sous nos latitudes il y a deux variables qui me semblent majeures.
La première variable : ce sont les taux d'intérêt réels et nominaux
Empiriquement, on constate que plus les taux nominaux sont bas, plus il y a d'investissement dans bitcoin.
Bien entendu, de 2009 à 2022, le bitcoin n'a connu que des taux bas.
Mais, il y a aussi les politiques monétaires non conventionnelles (QE, QT,...) qui augmentent ou diminuent le bilan des banques centrales, et par conséquent la liquidité.
Cela a eu dans le passé un effet significatif sur sa valorisation.
On peut aussi facilement extrapoler à partir des secteurs comme l'immobilier ou les actions qui sont sensibles à la création monétaire, que si les taux avaient été à des niveaux plus élevés depuis 14 ans, la valorisation de bitcoin aurait été bien inférieure.
Etonnamment, depuis la remontée rapide des taux, bitcoin se maintient autour de 25 K€.
Le dernier cycle haussier semble avoir converti des nouveaux bitcoiners opportunistes (motivation lucrative avec une préférence temporelle haute), en bitcoiners convaincus par les fondamentaux (motivation toujours lucrative mais avec une préférence temporelle basse, voire même une motivation idéologique).
En conclusion, si les taux devaient rester durablement autour de 3-4%, on ne pourrait plus compter sur cette force pour tirer significativement la valeur de bitcoin vers le haut.
La seconde variable : c'est la soutenabilité des dettes souveraines (US et Europe).
Une crise des dettes souveraines en période de stagflation, c'est sans doute l'évènement qui aurait l'impact le plus élevé sur la valorisation de bitcoin.
On l'a vu, les taux ont le potentiel de faire évoluer le prix à la hause ou à la baisse de bitcoin de plusieurs dizaines de K€ en quelques mois.
Tandis qu'un tel évènement, aurait probablement pour conséquence une fuite devant la monnaie fiat de la zone concernée.
C'est donc un évènement qui tirerait fortement le cours du bitcoin, même s'il y a d'autres sauf-conduits possibles et peut-être plus simple comme consommer rapidement son salaire et son épargne, ou les convertir dans un autre actif sûr comme l'Or, les actions, l'argent, ou une autre monnaie fiat mieux administrée.
C'est très difficile à estimer, mais s'il n'y avait pas de contrôle de capitaux instauré en urgence, la hausse pourrait être de l'ordre de plusieurs centaines de K€ en quelques mois, car la peur de tout perdre serait une motivation bien plus importante que la seule motivation de gain.
Cela dépendrait aussi beaucoup de la monnaie qui serait chahutée : euro ou dollar.
Le dollar aurait un impact plus important que l'euro car il s'agit de la monnaie internationale.
Les taux d'intérêts nominaux, et le risque de soutenabilité des dettes souveraines sont donc les deux inconnues qu'il va falloir étudier pour pouvoir se prononcer sur l'avenir de bitcoin en Occident.
Des questionnements complexes
J'identifie cinq questions majeures et complexes, qui n'ont à ma connaissance pas de réponses couramment admises chez les économistes.
Toutefois, nous allons essayer d'éclairer tout ça avec du bon sens.
Première question, qui fera l'objet d'un paragraphe dédié ultérieurement :
Est-ce que les banques centrales ont délibérément choisi d'avoir des taux bas pendant 20 ans ?
Deuxième question, qui fera aussi l'objet d'un paragraphe dédié :
Est-ce que la stagnation séculaire est une réalité ?
Troisième question dont la réponse sera traitée directement dans le corps du texte un peu plus tard :
Sommes nous condamné à une forme de décroissance subit, à cause de l'environnement macro-économique ?
Quatrième question, qui sera également traitée dans le corps du texte :
Vivons nous une période transitoire de remontée des taux d'intérêts nominaux due au combat contre l'inflation, et ensuite les taux redescendront, ou est-ce que quelque chose à durablement changé dans les forces économiques, qui suggèrerait des taux d'intérêts durablement plus élevés ?
Cinquième et dernière question, toujours traitée dans le corps du texte :
Quelle est la vraisemblance d'insoutenabilité de la dette (US et Europe) ?
Après avoir réfléchi à ces questions, nous ferons plusieurs extrapolations concernant l'avenir de bitcoin en Occident.
Est-ce que les banques centrales ont délibérément choisi d'avoir des taux bas pendant 20 ans ?
Avant de tenter de répondre convenablement à cette question, il faut d'abord revenir à la notion de "stagnation séculaire" présente dans le titre de cet article.
La "stagnation séculaire", qu'est-ce que c'est ?
La stagnation séculaire est une situation où une économie connaît une croissance économique lente sur une période prolongée.
Ce concept a été popularisé par l'économiste américain Alvin Hansen dans les années 1930, mais il a été remis au goût du jour (Larry Summers en 2013) dans le contexte des économies développées suite à la crise financière mondiale de 2008.
Certains facteurs fréquemment évoqués pour expliquer la stagnation incluent le déclin démographique, l'innovation technologique insuffisante, l'inefficacité des politiques économiques, ou l'endettement élevé.
La notion même de stagnation séculaire est un sujet de débat parmi les économistes, et il n'y a pas de consensus clair sur les causes, sur la manière de la résoudre, et même sur son caractère véritablement "séculaire".
Les banques centrales, victimes du contexte macroéconomique ?
Pour beaucoup d'économistes, notamment les néokeynésiens, les banques centrales ne font que refléter au mieux qu'elles le peuvent, les évolutions des taux nécessaires à maintenir l'activité au bon niveau.
Ce qui détermine fondamentalement les taux d'intérêt à moyen terme ce sont l'épargne, l'investissement et la demande d'actifs sûrs.
Par conséquent, si on pense que la stagnation séculaire est une lame de fond puissante, mondiale et structurellement indépassable, alors il semblerait en effet que les banques centrales aient été "obligé" de baisser leurs taux d'intérêts nominaux à des niveaux très bas pour soutenir l'activité.
Nous verrons plus tard, qu'il existe au moins un point de vue alternatif bien que hétérodoxe puisqu'il vient du courant libéral.
Est-ce que la "stagnation séculaire" est une réalité ?
Une période d'abondance
De 1980 à 2020, nous avons connu une forme d'abondance, avec des prix des matières premières bas, un excès d'offre de biens sans problèmes de débouchés, un excès d'offre de travail, une ouverture de nos économies avec les pays émergents, et un excès d'épargne comparativement aux besoins d'investissements.
Cela s'est reflété dans les taux, avec des taux d'intérêt réel et nominaux très bas; dans les prix avec une inflation très basse; et dans les salaires réels, avec moins de partage de la valeur que dans les précédentes décennies.
Les entreprises ont été les grandes gagnantes de cette période.
Ces 20 dernières années, la politique monétaire a même été en échec puisqu'en Europe l'inflation était en dessous de l'objectif de 2%, et ce malgré les politiques monétaires très accommodantes.
Malgré un coût de l'énergie plutôt bas, de l'épargne en abondance, l'Occident et à fortiori l'Europe, ont connu durant cette période une faible croissance et un faible effort d'investissement.
Certains économistes émettent comme explication que la dynamique démographique, augmente l'épargne et réduit sensiblement les opportunités d'investissements rentables.
Ce sont des réalités qui ont indéniablement tiré le taux d'intérêt réel à la baisse quasiment partout dans les pays développés.
Une inflation dont les responsables sont "nulle part"
Mais patatras, en 2021-2022, alors que cette théorie de stagnation séculaire semblait théoriquement et empiriquement devenir de plus en plus convaincante, l'inflation que certains économistes et personnels politico administratif notamment dans les banques centrales, n'attendaient plus jamais, a fait son grand retour de "nulle part".
Quand Madame Christine Lagarde dit que ça vient de "nulle part", elle ne veut pas pointer du doigt les gouvernements, d'autant plus qu'elle porte aussi une responsabilité à travers les politiques monétaires non conventionnelles.
Un an ou deux auparavant le décollage de l'inflation, les USA ont fait des plans de dépenses publiques de plusieurs milliers de milliards de dollars, et l'Europe de plusieurs centaines de milliards d'euros.
Ces dépenses publiques étaient un choix politique, et quelque part aussi un choix implicite de la société dans son ensemble via les revendications des différents agents économiques.
Que ça soit une bonne ou une mauvaise politique ce n'est pas le sujet, d'autant plus que c'est encore trop tôt pour faire un bilan, car nous ne connaissons pas encore toutes les conséquences sur le long terme.
Si la zone euro connaissait une grande crise de la dette stagflationniste dans quelques années avec beaucoup de souffrance sociale puis l'élection d'un parti populiste dans un grand pays, l'histoire retiendrait peut-être que cette politique était un choix discutable et un tournant.
L'inflation et la récession sont les factures moyens termes de ces choix.
2020-2023 : une rupture dans les logiciels de pensée économiques
Cette période fortement inflationniste qui dure depuis maintenant deux ans, avec des premiers signaux mi 2021, interroge beaucoup les économistes puisqu'elle n'était pas prévue dans les "modèles prévisionnels".
Les modèles de prévision atteignent tous leurs limites un jour ou l'autre.
Nassim Taleb a une belle expression pour ça : "le problème avec les experts, c'est qu'ils n'ont aucune idée de ce qu'ils ignorent."
Les différentes explications plausibles de la pause ou de la fin de la stagnation
Trois explications sont possibles :
1/ La stagnation était effectivement sur une dynamique séculaire si toute chose était restée égale par ailleurs.
Les forces majeures qui avaient conduits à supposer cette stagnation séculaire, sont insuffisamment comprises, ou une nouvelle force plus puissante a brutalement changé la donne.
Les impacts du COVID sur l'économie ont peut-être été un déclencheur ou un accélérateur de la fin de la stagnation séculaire.
2/ Les problèmes de chaines d'approvisionnement, ainsi que les dépenses budgétaires à fort volume, puis la Guerre surprise en Ukraine, ont déréglé l'équilibre.
C'est seulement temporaire, et nous allons retourner à notre destin de stagnation séculaire, dès que l'inflation sera vaincue par les banques centrales devenues bellicistes tardivement.
3/ La stagnation séculaire était un beau concept d'économistes néokeynésiens pour expliquer des symptômes observées pendant plusieurs décennies, mais ce n'est pas la théorie globale la plus convaincante pour décrire le monde depuis plusieurs décennies, puisqu'elle vient d'être réfutée de manière empirique.
En fonction de l'hypothèse privilégié, le monde sera différent.
Le bitcoin aussi probablement.
Le risque de la soutenabilité de la dette dépend du scénario
Le risque d'insoutenabilité des dettes souveraines n'est pas le même en fonction du scénario, car les taux d'intérêt réels et nominaux non plus.
Par exemple dans le cas 2, le Mix Policy (politique monétaire et budgétaire) peut être durablement expansionniste sans risque pour la soutenabilité de la dette car les taux reviendront à des niveaux très bas rapidement, tandis que dans le cas 1 et 3, le risque devient critique.
Le scénario privilégié par les économistes est trop optimiste
La plupart des économistes qu'on entend ou lit dans les médias, semblent penser que nous sommes dans le cas 2.
C'est le scénario optimiste pour la soutenabilité de la dette.
Une autre part moins significative d'économistes, semblent penser que nous sommes dans le cas 1.
C'est à dire que nous sommes passé d'un monde d'abondance à un monde de rareté.
Et, personnellement, je pense comme certains économistes libéraux, que nous sommes dans le cas 3.
Etant donné qu'il n'y a pas de consensus, l'idée de poursuivre nos dépenses publiques non financées par nos recettes, parce qu'on suppute être dans le cas n°2, me semble être un pari osé.
S'ils ont tord, la France fera encore banqueroute et le niveau de vie chutera brutalement d'environ 30%.
La France a déjà fait 8 fois banqueroute, et la dernière fois c'était en 1797.
Entre 1975 et 2006 pas moins de 71 pays ont fait défaut sur leurs dettes souveraines.
C'est donc pas quelque chose d'impossible, ou même de rare.
Si d'aventure l'avis d'un profane en économie vous intéresse
Je suis plutôt d'avis de penser que la grande force conjoncturelle qui a conduit à une apparence de stagnation séculaire était la mondialisation, avec notamment l'ascension de la Chine comme atelier à très bas coûts du monde.
La pandémie a mis en effet en exergue, en soutenant la demande à travers les dépenses publiques sans l'offre en face, que la déflation était essentiellement dû à la mondialisation.
Cette démondialisation brutale pendant le covid, a été une sorte de fenêtre temporelle et grossissante, qui nous a donné un avant goût temporaire de ce qui nous attend peu ou proue à l'avenir avec la fragmentation du monde.
L'inflation a révélé la dépendance des occidentaux aux chaines d'approvisionnements chinoises.
C'est quelque chose qui devait arriver tôt ou tard, car depuis une dizaine d'années les USA et la Chine sont sur une trajectoire de collision.
Les chaînes d'approvisionnements auraient soufferts, et l'inflation aurait fini par monter, certes peut-être plus doucement.
Cette dépendance est liée à une croyance politique bien ancrée depuis des décennies, notamment en France, qu'une économie développée devait abandonner ses usines, au profit des seuls services, dont la finance.
Depuis 30 ans, l'Occident s'est financiarisé, et ce, largement au détriment de la croissance réelle et de l'investissement productif, pendant que la Chine s'industrialisait à marche forcée, grâce à nos délocalisations.
Au moindre choc, l'inflation ne demandait qu'à rugir.
Les agents économiques étant rationnels, un rééquilibrage de la mondialisation devrait s'opérer désormais, afin de diversifier les chaines d'approvisionnements.
Peut-être qu'il s'agira uniquement d'une migration d'une partie de certaines usines de la Chine vers l'Inde, ou dans d'autres pays émergents plus près des consommateurs finaux, mais il y aura aussi parfois des relocalisations de certaines usines en Europe et aux USA.
L'augmentation durable du prix de l'énergie en Europe ne tombe pas au bon moment. C'est un inconvénient comparativement aux USA, dans cette nouvelle bataille économique pour la réindustrialisation.
Cette phase de démondialisation ou plutôt de "dé-Chinisation" va nécessiter des investissements importants.
Cette reconfiguration de la mondialisation aura probablement des effets inflationnistes importants et durables, parce que les coûts de production vont augmenter.
A ceci, s'ajoute le coût de la transition écologique.
Le besoin de dépenses publiques et d'investissements par les entreprises à l'avenir est donc considérable.
Certaines forces déflationnistes comme le vieillissement de la population continueront malgré tout de tirer les taux réels vers le bas.
S'il s'agit de la bonne explication, nous ne serions pas condamné à une forme de décroissance subit, à cause d'un environnement macro-économique de stagnation séculaire.
S'il s'agit de la bonne explication, alors nous ne vivons pas une période transitoire de remontée des taux d'intérêts nominaux. Quelque chose a durablement changé dans les forces économiques, qui suggère des taux d'intérêts durablement plus élevés.
S'il s'agit de la bonne explication, il s'agirait en revanche d'une mauvaise nouvelle pour la soutenabilité de la dette, car la vraisemblance d'insoutenabilité de la dette augmenterait.
La stagnation séculaire n'était que passagère
La question qui se pose si nous supposons que sommes dans le cas 3 est : quelle théorie semble plus convaincante pour expliquer la stagnation "passagère" pendant 20 ans en Occident ?
J'ai bien sûr évoqué la mondialisation, mais prenons du recul ou de la hauteur.
Cette mondialisation n'a été rendue possible uniquement parce que les pays importateurs occidentaux se sont fortement endettés, grâce à des obligations d'Etats que la Chine a achetées.
Pour le dire simplement, la Chine a eu nos usines, et nous avons imprimé des billets pour pouvoir acheter des produits à la Chine.
La stagnation passagère semble être la conséquence de mauvais choix de politiques économiques et monétaires qui remontent à loin.
C'est aussi une crise de surendettement qui a soutenu artificiellement la demande, sans véritable création de richesse.
C'est le sous-investissement dans la R&D et les biens de production, et l'endettement qui ont étouffé la croissance.
A ces causes et conséquences bien réelles, peut-être que la révolution du numérique a perturbé la mesure de la croissance du PIB et des gains de productivité, ou que l'économie de l'intangible a agit comme un aimant pour les investissements et les compétences, au même titre que la finance dans les années 80-90, et que nous sommes passé à côté des vrais gains potentiels de productivité dans l'économie tangible.
Quoiqu'il en soit, le surendettement généralisé est lui bien réel.
Le super cycle de la dette, une théorie alternative à la stagnation séculaire
La théorie du super cycle de la dette est un concept économique selon lequel les économies mondiales traversent des cycles prolongés d'accumulation, d'expansion et d'éclatement de la dette.
Selon cette théorie, ces cycles d'endettement peuvent durer plusieurs décennies.
Ils commencent généralement par une période de faible endettement, où les pays ont des niveaux de dette relativement bas et une capacité limitée à emprunter sur les marchés internationaux.
Au fur et à mesure que l'économie se développe et que la confiance des investisseurs augmente, les pays commencent à emprunter davantage pour financer leur croissance économique, leurs infrastructures et leurs projets de développement.
Cette phase d'accumulation de la dette est souvent accompagnée d'une période de prospérité économique, de croissance rapide et d'optimisme généralisé.
À mesure que le crédit explose, les prix des actifs augmentent, augmentant leur valeur en tant que garantie, contribuant ainsi à développer le crédit et à augmenter encore plus les prix des actifs.
Cependant, à un certain point, les niveaux d'endettement deviennent insoutenables et les pays rencontrent des difficultés à rembourser leur dette.
Cela peut entraîner une crise financière, une récession économique et une période de désendettement.
Contrairement à la stagnation séculaire, un super cycle de la dette n'est pas éternel.
Et, après le désendettement, la croissance pourrait revenir à des niveaux plus élevés.
Il est toujours très difficile de prédire les tendances de la croissance future à long terme, et bien qu'il y ait des vents contraires, le progrès technologique (IA, monnaie dure décentralisée,...) semble au moins aussi susceptible de performer au cours des prochaines décennies.
Les arguments en faveur de la description du monde comme étant dans un super cycle de la dette sont à la fois théoriquement et empiriquement convaincants.
Alors que les arguments en faveur de la stagnation séculaire sont beaucoup plus minces.
La lenteur de la démographie n'explique pas les fortes bulles dans les actifs sûrs.
La vision de la stagnation séculaire ne rend pas compte de la crise cardiaque que l'économie mondiale a connue en 2008.
Nos économies ont pu être réanimées avec toujours plus de perfusion de dette, mais l'inflation actuelle est un nouveau symptôme en faveur de la théorie du super cycle de la dette.
L'Occident semble proche de la fin de son cycle d'endettement.
Cône de vraisemblance sur le contexte macroéconomique à l'avenir
Dans la prochaine décennie, nous aurons probablement, plus d'inflation, des taux d'intérêt réel et nominaux plus élevés que dans le passé.
Une inflation en dessous de 3% sera difficile.
Si les banques centrales luttent contre l'inflation structurelle à cause des raretés par des taux d'intérêts plus élevés, ça sera incohérent.
Les Etats vont devoir choisir une ou plusieurs solutions parmi les suivantes :
1/ Renoncer massivement à faire des dépenses publiques
2/ Changer de politique monétaire en révisant l'objectif de 2% pour le porter à 3%
3/ Augmenter la pression fiscale
Quel avenir pour bitcoin dans ce contexte macroéconomique ?
Si nous sommes moins dans une stagnation séculaire que dans un super cycle de la dette, nous ne connaîtrons plus des taux bas comme dans le passé.
En revanche, dans un environnement stagflationniste et de taux plus élevés, le risque d'une crise de la dette augmente significativement.
Sa fonction d'exposition convexe au système de monnaie fiat, pourrait donc devenir à l'avenir son utilisation phare dans le monde occidental.
C'est la fonction "valeur refuge" (motivation de ne pas perdre) qui devrait désormais prendre le dessus dans la psychologie des foules, sur la fonction "actif spéculatif" (motivation de gain), bien que la notion de valeur refuge du bitcoin soit aussi spéculative.
Du libéralisme au socialisme au totalitarisme : leçon historique pour notre temps
Permettez moi avant de conclure d'aborder brièvement quelques autres questions.
Bien que le monde change très vite autour de lui, le bitcoin est encore très loin d'être has-been.
Il ne mourra probablement pas demain, n'en déplaise à ses détracteurs.
Et, si bitcoin est d'extrême droite, c'est que je n'ai rien compris au libéralisme.
Je fais bien sûr référence au livre "No Crypto" de Nastasia Hadjadji
Ce n'est pas nouveau, le camp opposé au libéralisme a toujours manqué d'éthique dans les débats publics de philosophie politique.
Confondre l'extrême droite et le libéralisme disqualifie totalement ce livre.
Le libéralisme qui sous tend le projet bitcoin, est une philosophie politique qui lutte sans concession contre le socialisme, le totalitarisme, le nationalisme ou encore le populisme.
J'ai demandé à ChatGPT si bitcoin était d'extrême droite, puis si l'extrême droite et le libéralisme recouvraient les mêmes valeurs.
Je vous laisse faire l'expérience si ça vous intéresse, mais cela a bien entendu confirmé en quelques secondes ce que je savais.
Le bitcoin résistera assurément à cette énième polémique.
L'électricité, le téléphone, et bien d'autres innovations de rupture ont connu eux aussi à leurs débuts pareilles calomnies.
L'innovation si elle est utile socialement gagne toujours.
Rétrospectivement, le livre de Nicolas Dufrêne sur le sujet de la monnaie écologique méritait presque un prix, bien que nous soyons d'accord sur a peu près rien du tout, sauf peut-être sur le constat de la dérive du capitalisme financiarisé, à cause de nos monnaies viciées.
Quand à l'anticapitalisme primaire qui caractérise l'idéologie de l'autrice du livre "No Crypto", je suis toujours perplexe, que ceux qui prétendent s'intéresser aux inégalités du point de vue de l'équité accordent tellement d'attention à la classe moyenne supérieure mondiale, en l'occurrence la classe moyenne des pays avancés, et si peu d'attention à la véritable classe moyenne mondiale. Les 30 dernières années ont été largement caractérisées par des baisses historiques des inégalités grâce au capitalisme, et non par des hausses comme beaucoup semblent le croire.
De la même façon, quand on critique bitcoin uniquement depuis son référentiel occidental extrêmement confortable relativement au reste du monde, au nom de principes de gauche, on éclipse totalement les avantages indéniables pour la population des pays peu ou pas bancarisés, avec des monnaies hyper inflationnistes, ou avec des gouvernements corrompus, voire totalitaires.
Ce petit livre téléguidé par le même logiciel de pensée minoritaire français farouchement opposé à l'idéologie de liberté derrière bitcoin, n'a donc pas beaucoup d'intérêt, mais ce ne sont pas les libéraux ou les bitcoiners qui attaqueront la liberté d'expression, même si ce sont des idées ennemies de la société ouverte.
Conclusion
Le bitcoin est un actif qui est encore plus pertinent en 2023 qu'en 2020, si on l'analyse à travers une grille de lecture macroéconomique, réactualisée à partir des évènements récents comme l'inflation.
Si on est rationnel dans une économie irrationnelle, le bitcoin devient une mesure individuelle de sécurité et d'hygiène financière de base pour diminuer les impacts du risque critique d'une crise de surendettement de l'Occident.
En complément d'une diversification appropriée, et surtout toujours avec de la "monnaie fiat" qu'on peut se permettre de perdre.
C'est curieux comme le sens d'une phrase change quand on remplace "argent" par "monnaie fiat" ;)