Introduction
"Blockchain not Bitcoin", celui qui s'intéresse à l'univers « crypto », a sans doute déjà vue cette « baseline » lors d'un débat. Il s’agit moins d’un argument qu’un avis. Ma première pensée, va à l'art de la dialectique. Passée la forme, je me demande comment arriver à démystifier ce sujet complexe sur le fond ?
C'est une problématique multi-matières, teintées d’idéologie et de philosophie. Alan Greenspan (ancien président de la réserve fédérale des États-Unis) dont le métier était essentiellement de tenir des propos sibyllins utilisait régulièrement cette phrase : «Si vous avez compris ce que j'ai dit, c'est que je me suis mal exprimé». Elle pourrait aussi bien convenir à la « crypto ». Pour tenter de démystifier, je pourrais aller chercher des définitions sur internet, mais aucune ne me conviendrait. A coup sûr, si je concaténais « définition blockchain » + « not » + « définition Bitcoin », cela ne vous éclairerait pas et cela ne me conviendrait pas intellectuellement. « L’exposé » ci-dessous, ne prendra donc pas la forme d’un glossaire. J’ai choisi d’utiliser la voie par la soustraction pour identifier la future forme de mon argumentaire.
Avant, j’aimerais trouver la juste qualification pour « l’exposé » ci-dessous, afin de vous éclairer sur ce qui vous attend.
« Nouvelle », c’est pas mal mais ça représente assez mal l’effort consenti depuis une dizaine d’années à observer l’évolution de bitcoin, ou à lire des livres d’économie pas toujours accessible. Pour vous faire un avis, je vous invite à parcourir quelques pages d’un livre comme « Le péché monétaire de l’occident » de Jacques Rueff (économiste français) de 1971.
« Pérégrinations », cela correspond tout à fait aux sauts entres les différents sujets qui seront nécessaires à la compréhension, ainsi qu’à la manière dont j’ai envie de les aborder. Je veux que ça soit un « road trip » vers les destinations « crypto », « économie », « géopolitique », et même (un petit peu, sans prétention) au pays merveilleux de la « philosophie ». Le seul défaut c’est que c’est un mot un peu compliqué à écrire, mais avec les outils numériques d’aujourd’hui, cette difficulté est soustraite (mot important vous verrez) car sous-traitée à la machine.
Gardons « pérégrinations » et reprenons notre méthode via negativa pour convenir du fond.
Ces pérégrinations ne devront pas pouvoir faire l’objet de soupçons de parti pris, bien qu’il faille l’admettre dès les premières lignes, je suis séduit par la technologie Bitcoin (on évoquera ce que j’entends par ces termes plus tard) ainsi que par la proposition de valeur Bitcoin (idem vous comprendrez bientôt ce que ça sous-entend). Pour ne pas faire l’objet de (trop) de parti pris inconsciemment, j’use et j’abuse d’une méthode assez simple. Cette méthode très originale, je veux bien la partager avec vous. A l’époque de nos grands-parents il fallait chercher l’information, à notre époque il faut esquiver le trop plein d’informations, et même les fausses informations. Cette solution qui a fait ses preuves depuis plusieurs siècles, c’est de m’en tenir presque exclusivement aux livres. Un défaut de cette méthode, c’est qu’elle coûte plus chère, mais le gratuit n’a pas toujours que des effets positifs sur la qualité. Tout (bon) travail mérite d’être valorisé non ? Dans un deuxième temps, je complète ces lectures via des recherches spécifiques sur internet, puis j’essaye de participer à des débats sur divers sites afin de « challenger » mes pensées.
Ces pérégrinations n’expliqueront pas conceptuellement et techniquement dans le détail ce qu’est une blockchain ou Bitcoin. Pour tout ça, la littérature, y compris sur internet, est abondante et sans idéologie, il n’y aurait donc aucune valeur ajoutée à faire ce énième travail de vulgarisation. Il y aura quelques passages techniques mais via des analogies. Cependant, la technique sera un passage quasi obligé si vous voulez monter en connaissance dans la crypto sérieusement, car il s’agit en premier lieu d’une innovation technique. Aujourd’hui, ce sont les sujets économiques, politiques, et sociétaux qui magnétisent davantage mon attention.
Ces pérégrinations n’apporteront ni la vérité bien sûr, ni une vérité (car je vais devoir faire beaucoup d’hypothèses), seulement une « vision »…la mienne. Cependant, toujours avec un esprit « laïc » autant que possible.
Il y a énormément de gens qui en savent beaucoup plus que moi en France et dans le monde, qui ont une meilleure vision 360°, mais très souvent ces personnes sont trop occupées (fondateurs d’entreprise dans la Tech,…) pour partager leur savoir. Peut-être certains souhaitent aussi garder secrètement « leur vision visionnaire» pour avoir un temps d’avance sur la concurrence, ça se défend. Personnellement, je pars du principe qu’un « business plan » ça se partage, alors partager « sa vision » d’un nouveau phénomène, ça devrait être pareil.
Nous serons amené à voyager dans des contrés extrêmes qui vous sembleront assez éloignées de prime abord du sujet qui nous préoccupe. Ma démarche sera axée sur l’extrapolation des faits.
Une précision très importante, je ne pense pas - mais parfois on peut être aveugle - être « classable » dans une des catégories suivantes : pro/anti bitcoin, pro/anti blockchain, pro/anti capitaliste, pro/anti monétariste, pro/anti anarchiste, pro/anti libertaire, pro/anti libéral, pro/anti écologie, ou pro/anti cypherpunk. Je peux avoir des avis tranchés bien sûr, ce sont les conclusions où parfois je me comporte comme un épistémocrate, surtout si le sujet a un impact social. Si c’est un sujet social, mon raisonnement peut osciller entre la raison et les sentiments, entre l’impact individuel et l’impact collectif, entre l’objectif d’atteindre le bonheur individuel en passant par le bonheur collectif et l’objectif d’atteindre le bonheur collectif en passant par le bonheur individuel. Ne trouvez-vous pas qu’être heureux dans les premiers et attendre que tout le monde le soit pour que le collectif soit heureux, c’est culpabilisant ? Ou à l’inverse, ne pas être heureux dans un collectif heureux, en attendant que le bonheur arrive jusqu’à soi, n’est-ce pas un calvaire ? C’est pour ces raisons que sur certains sujets cruciaux, notamment sociaux, choisir un camp, c’est renoncer à soi ou aux autres. Renoncer au collectif ou renoncer à l’individu. Je vous avais prévenu qu’il y aurait un peu de philosophie (d’un niveau très modeste). Sur un sujet comme Bitcoin, avec des forts enjeux sociaux, je préfère donc rester volontairement dans le domaine du doute, d’autant qu’intellectuellement c’est plus constructif. On évite aussi plus facilement les critiques sur les réseaux (peu) sociaux, et on peut se permettre de répondre aux deux camps. Trop souvent des maximalistes Bitcoin partent en croisade car ils sont aveuglés par des promesses utopiques, une idéologie, des idées politiques, des croyances, et même leur amour-propre. Bitcoin agit comme un miroir aux alouettes.
Malgré ses 12 ans d’âge, Bitcoin (« B » majuscule, le protocole, le réseau, le système, ou même « l’écosystème »), et bitcoin (« b » minuscule, l’unité), n’ont toujours pas fait l’objet d’un consensus sur ce qu’ils sont, ce qu’ils devraient être, et ce qu’ils pourraient devenir. Il y’a des courants de pensées, et il y’a une bataille qui a déjà commencée pour influencer sa trajectoire puis son utilisation. La crypto-sphère n’est pas réduite à observer Bitcoin tel un trou noir avec un horizon des évènements indépassable. Certains seront acteurs de cette bataille, d’autres observateurs, d’autres commentateurs, d’autres victimes, mais en définitive ça pourrait finir par concerner tout le monde en fonction de la trajectoire et des facteurs exogènes comme la géopolitique ou les crises économiques.
Voici les questions auxquelles nous allons tenter de répondre dans nos pérégrinations :
Quelle est la réelle innovation apportée par bitcoin ?
Quelles sont les applications évidentes et majeures de la technologie bitcoin ?
Quelles sont les perspectives géopolitiques qui pourraient impacter les crypto et bitcoin ?
Est-ce que l’émergence d’un nouveau système monétaire est plausible ?
Si oui, quels sont les candidats ?
Quelles conclusions pouvons-nous faire sur la technologie bitcoin et sur bitcoin ?
QUELLE EST LA REELLE INNOVATION APPORTEE PAR BITCOIN ?
Bitcoin dans sa première application touche un concept intersubjectif très ancien; la monnaie. C’est une des raisons pour lesquelles, les débats sur internet peuvent s’enflammer assez vite. Si le sujet est aussi clivant, c’est que dans la coulisse, il y a peut-être quelque chose d’important qui est en train de se jouer. Sur la scène médiatique, Bitcoin est évoqué essentiellement à chaque forte hausse ou baisse de son cours, ou à raison pour sa consommation d’énergie. Ces quelques clés de lectures ne font qu’effleurer la surface du sujet. Pour rien faciliter, comme il s’agit d’une innovation de rupture, Bitcoin et l’univers crypto, entretiennent l’ambiguïté et la confusion (exemple : l’utilisation du terme « crypto monnaie »). Certaines blockchains sont des crypto monnaies, d’autres moins, d’autres encore pas du tout. Il y a quelques années je n’étais même pas sûr de pouvoir utiliser ce terme « monnaie » pour les « cryptos ». Je pensais que c’était la légalité ou non qui prévalait pour cette qualification. C’est Hayek qui m’a soufflé - pas directement, via ses livres - la réponse. Une « monnaie » est un bien interchangeable c’est tout, qu’elle soit légale ou non. Si une monnaie est légale elle devient une devise (« currency » en anglais). Dans les crypto, il y a donc bien des monnaies mais pas encore de « devises », sauf au Salvador à ma connaissance et à ce jour. La véritable innovation de rupture de bitcoin n’est pas d’être une devise. Sinon, il s’agirait d’un échec. Qui paye en bitcoin dans sa vie quotidienne alors que bitcoin existe depuis plus de 12 ans ? Quasiment personne. Quelle est donc cette véritable innovation de rupture conceptuelle provoquée par Bitcoin ?
Avec mes mots, je dirais que la technologie Bitcoin sous-traite la confiance à des machines, minimise la dépendance à la notion intersubjective qu'est la confiance humaine, et augmente la confiance sociale objective, grâce notamment aux mathématiques.
Qui n’a pas confiance dans les principes mathématiques ? S’il y a bien une science qui est sûre c’est cella là, contrairement aux sciences sociales comme les sciences économiques, sinon nous n’aurions pas autant de crises. Même si les mathématiques continuent d’évoluer encore aujourd’hui, cette science plusieurs fois millénaire est moins corruptible qu’une confiance intersubjective. Les mathématiques c’est l’assurance du réseau Bitcoin. Ce qui n’est pas le cas de toutes les blockchains existantes. C’est le choix du type de consensus qui fixe le niveau de sécurité et le niveau de confiance. A l’heure actuelle de nos connaissances, si vous n’utilisez pas les mathématiques, vous aurez une sécurité moindre, une confiance moindre, et très certainement des effets pervers à long terme (corruption, cartels, centralisation,…) sur l’intégrité ou la gouvernance de votre blockchain. Toutefois, cela peut valoir le coup, si l’évolutivité et la performance sont les objectifs volontairement recherchés. Néanmoins, aujourd’hui nous ne maitrisons pas encore parfaitement les niveaux de sécurité et de décentralisation minimums requis pour mesurer le bénéfice d’utilisation d’une blockchain versus une infrastructure centralisée ou une infrastructure avec un tiers de confiance. Beaucoup de projets reposent sur des blockchains mais sans véritable confiance, c’est un non-sens. C’est un peu comme faire du « deep learning » sans données, ou du vélo sans pédales. Les blockchains sont toutes très différentes, et beaucoup ne sont pas aussi évolutives socialement que les blockchain publiques et sans autorisation comme Bitcoin et Ethereum. Certaines ne méritent pas la qualification de « blockchain ». D’autres noms conviendraient mieux, comme « grand livre distribué » ou « base de données partagée ».
Donc la technologie Bitcoin permet de digitaliser certaines interactions sociales complexes basées sur la confiance. La réelle innovation est plutôt éloignée de la monnaie, cela ne veut pas dire que le but recherché n’était pas de créer une monnaie ou quelque chose de ce genre.
C’est la compréhension dont nous nous en faisons collectivement qui peut faire son usage ou non, car c’est une technologie à très forte évolutivité sociale. Ce sont les plus difficiles à comprendre car l’usage arrive dans un second temps. Parfois même beaucoup plus tard, sans doute parce que notre environnement (social, juridique, technique,…) est de plus en plus complexe et interconnecté. Certains diront que les mails et le « world wide web » sont des applications qui sont arrivées très vite après l’innovation de rupture qu’était internet (protocole TCP/IP). Internet ne s’attaquait pas à une notion intersubjective complexe. Internet c’est une innovation de l’information. Le potentiel de cette innovation de rupture a été rapidement compris puis exploité.
Bitcoin est d’ailleurs une innovation incrémentale de l’innovation de rupture Internet. Et Internet est une innovation incrémentale de l’innovation de rupture beaucoup plus large qu’est le numérique (« digital » en anglais). Sans le concept de réseau maillé, pas de calcul décentralisé sécurisé et donc pas de Bitcoin. Sans le numérique pas d’internet, donc pas de Bitcoin non plus. Faites l’exercice chez vous, prenez n’importe quel objet, même le plus anodin (une tasse, une chaussure,…), et essayez d’identifier toutes les innovations incrémentales qu’il a fallu découvrir avant d’arriver à cet objet. L’Histoire de l’innovation rend humble. Donc dire aujourd’hui que « Bitcoin-bitcoin » ou la technologie Bitcoin sont nuls, c’est comme si un contemporain de l’invention de la roue, avait dit à son époque, c’est nul ton machin tout rond, ça ne sert à rien. Son inventeur avait sans doute bien saisi que son invention ouvrait la voie « aux déplacements sans rupture de contact avec le sol », afin de « minimiser » les déplacements saccadés et donc de « maximiser l’évolutivité sociale » des déplacements. Imaginez un monde où la roue n’existerait pas. Les gens « normaux » vivraient dans un rayon de quelques kilomètres autour de chez eux. Sans l’invention de la roue, peut-être que personne n’aurait eu l’idée d’inventer la machine à vapeur. La technologie Bitcoin est une innovation très importante. Dans 10 ans maximum, il n’y aura plus de débat. Pourquoi certains doutent alors ? Parce que les politiques, les économistes et les financiers ne sont pas « informaticiens » (cette appellation est un peu désuète, disons plutôt « geek »). Depuis la révolution numérique, si vous voulez « pressentir » le futur, il faut être un « geek ». Pendant la révolution industrielle, fallait avoir la fibre pour la « mécanique » pour pressentir la voiture, le train, et les machines-outils. Aujourd’hui, il faut la « fibre optique » !
Ce n’est pas tout à fait exact de dire que l’usage potentiel du Bitcoin ou de sa technologie nous sont totalement inconnus. Nous avons une bonne idée de l’objectif poursuivi par Bitcoin car c’est dans sa nature, dans sa conception, dans son architecture, ou dans son « ADN », d’être amené à faire certaines choses plus que d’autres. Nous savons que Bitcoin n’hébergera pas toutes les données du monde. La technologie Bitcoin n’est pas une solution de stockage pas chère, car toutes les données sont répliquées sur autant de machines qui composent le réseau Bitcoin. Nous savons que Bitcoin ne servira pas à faire de la traçabilité de votre livraison de pizza, car vous n’avez pas besoin d’une sécurité élevée (sauf un soir de finale de coupe du monde de football peut-être). Bitcoin c’est une innovation qui est « sortie » au cœur de la crise financière de 2008. Je vous laisse donc imaginer à quoi pourrait servir principalement Bitcoin ? C’est comme si la roue avait été inventée juste après une catastrophe sur le chantier de construction d’une pyramide en Egypte car les rondins de bois pour transporter les énormes blocs de pierre avaient percutés l’édifice en construction. On se serait douté que la roue - dans la tête de son inventeur - avait le potentiel de transporter des choses plus facilement et en minimisant les risques. Il est vrai que c’est arrivé dans l’histoire des innovations, que certaines applications soient très différentes du but recherché par l’inventeur. Mais Bitcoin est une innovation difficile à « dévier » de son objectif originel, à cause de ses règles presque immuables, de ses paramètres initiaux et de l’inertie qui protège l’ensemble. L’énergie qu’il faudrait déployer pour « dévier » Bitcoin de son objectif serait tellement énorme, qu’il est préférable d’utiliser ses technologies sous-jacentes pour créer quelque chose de différent « from scratch ». D’où, l’émergence d’un monde crypto parallèle moins « propriétaire » qui englobe toutes les autres blockchains. Nous avons donc Bitcoin qui vit sa vie plutôt trépidante d’un côté, et, une majorité des autres blockchains de l’autre. Il y a encore aujourd’hui assez peu d’interconnexions entre ces deux mondes, car tant que les fondations Bitcoin ne seront pas réputées suffisamment solides, le secteur ne prendra pas le risque de construire dessus. Le destin de bitcoin est encore trop énigmatique.
Je crois que c’est juste une question de temps avant que le grand public (certains l’ont déjà compris) se rende compte que le génie est sorti de la bouteille. Ce « génie » c’est la véritable grande innovation conceptuelle de Bitcoin, c’est la « minimisation de la confiance ». Vous devez vous demander pourquoi « moins de confiance » c’est du génie ? C’est génial, car si on a plus besoin de confiance intersubjective, il devient possible de digitaliser des concepts et des services où au préalable un tiers de confiance était nécessaire.
La rareté numérique, l’immuabilité, la décentralisation, la réplication, le consensus, sont au service de ce but ultime qu’est la minimisation de la confiance. Ce sont des briques ou des rouages, d’un tout. Il faut distinguer le mot « blockchain » des seules briques « chaines » et « blocs ». Le mot « blockchain » englobe toutes ces notions à la fois, toutes ces briques ensemble. C’est l’équilibre (les paramètres, les choix techniques, les incitations, l’architecture globale) entre toutes ces briques qui créent plus ou moins de « confiance digitale ». Pour Bitcoin, la performance et l’évolutivité ont été sacrifiées au bénéfice de la décentralisation et surtout de la sécurité. Pour chaque blockchain, d’autres choix peuvent être faits. Il faut adapter les paramètres performance, évolutivité, décentralisation et sécurité en fonction de son objectif. Cela paraît idiot, mais sacrifier la performance à une époque où la principale motivation d’innovation technologique est la performance, c’était un pari plutôt singulier. Bitcoin c’est en moyenne cinq transactions par seconde. Si vous faites la comparaison avec Visa, Bitcoin semble daté de la préhistoire. Mais détrompez-vous, c’est la force et la deuxième grande innovation conceptuelle de Bitcoin. Bitcoin sacrifie tout, au bénéfice de la seule sécurité. Il y a une unique raison à ce choix, c’est que dans un environnement sans tiers de confiance, la sécurité c’est le pendant de la confiance. Le niveau de confiance dans le réseau est directement corrélé au niveau de sécurité. La confiance c’est l’intégrité. L’intégrité c’est la sécurité en informatique. Une partie de la valeur octroyée collectivement à l’unité bitcoin via le marché de l’offre et la demande sur les plateformes d’échanges, est étroitement liée à ce niveau de confiance et donc au niveau de sécurité. Vous achetez un quantum de confiance ou un quantum d’intégrité ou un quantum de sécurité lorsque vous achetez du bitcoin. Donc dire que Bitcoin est un schéma de Ponzi car c’est du vide, ce n’est pas vrai. Chaque bitcoin est comme un objet de collection. Cependant, il y a peut-être une bulle spéculative jusqu’à ce que bitcoin ait une véritable utilisation ou une compréhension admise collectivement. Bitcoin fait aussi le pari que la sécurité sera la priorité dans le futur. Bien plus que la performance, car nous ne savons même plus quoi faire de toute cette puissance qui double tous les 2 ans (loi de Moore).
En informatique, ce problème de « fiabilité » et « d’intégrité », et donc de « confiance » a ététhéorisé en 1982 sous le nom de « problème des généraux byzantins ». 25 ans plus tard, ce problème a désormais une solution, et c’est Bitcoin qui a été le premier à proposer une solution totalement fonctionnelle. Bitcoin est le fruit de nombreuses tentatives-erreurs. Grâce à la résolution de ce problème, nous savons opérer des traitements informatiques où la confiance était obligatoire auparavant, sans autorité centrale et donc tiers de confiance. Cette innovation a été possible grâce à des percées majeures dans l’informatique fondamentale des calculs distribués sécurisés au début des années 2000. Quelques années après bitcoin était né, ce n’est pas le fruit du hasard. Cela devait arriver tôt ou tard depuis cette percée fondamentale. Maintenant que vous savez quelle est la véritable innovation de Bitcoin, je vous invite à poursuivre nos pérégrinations sur le terrain des applications.
PREMIERE APPLICATION MAJEURE DE LA TECHNOLOGIE BITCOIN :
TRANSFORMATION IT DU SECTEUR FINANCIER ET BANCAIRE TRADITIONNEL
Depuis 20 ans, Internet a permis des gains de productivités, une économie de presque gratuité, l’accroissement de l’offre de biens et services, ainsi que la désintermédiation. Mais un secteur a été assez peu transformé par Internet jusqu’ici c’est la finance et les banques. Il y a une raison unique à ce constat, c’est que ce secteur d’activités est basé sur la confiance. C’est la principale barrière à l’entrée (avec la règlementation). Confiance envers les monnaies, confiance envers les institutions qui émettent ces monnaies, confiance envers les entreprises qui stockent votre argent, qui font transiter votre argent, qui prêtent votre épargne. Ces différentes institutions et entreprises jouent le rôle de tiers de confiance. Ce sont les banques qui garantissent la reconnaissance de dette de votre compte épargne, puis l’Etat qui garantit les dépôts jusqu’à 100 K€. Je ne ferai pas – toute de suite - le voyage dans le pays magique de l’émission de la monnaie ou de la « monnaie-dette ». Si vous ne le saviez pas, retenez pour l’instant que ce sont les banques centrales qui émettent les devises. Et, ce sont quelques entreprises mondiales qui opèrent les transactions de paiement. Tout cela repose uniquement sur la confiance que nous décidons collectivement de leur octroyer de manière intersubjective.
La notion de confiance est une notion complexe, philosophique et psychologique. D’autant plus vis-à-vis d’un système ou d’un médium d’échange. Le tour de force de Bitcoin c’est d’avoir réussi à soustraire ces notions complexes pour opérer des transactions entre inconnus, de manière sécurisée, automatisée, acéphale, depuis presque n’importe où dans le monde, et sans fraude ou crash.
Par conséquent, nous pouvons pronostiquer sans trop de risques - si on ne donne pas d’échéance - que la conséquence directe sera une transformation radicale des systèmes informatiques traditionnels bancaires et financiers, car la digitalisation de la confiance va permettre d’abaisser les coûts de gestion et d’opérations, notamment internationales.
Le nombre d’intermédiaires pour effectuer une opération bancaire internationale va passer de « beaucoup » à 0 (si c’est possible qu’avec une seule blockchain) à 1 (si vous ajoutez par exemple un médiateur en cas de conflits, car une blockchain – publique - détient une vérité et non LA vérité et on ne peut pas faire marche arrière).
La première application de la technologie Bitcoin, devrait donc d’abord « profiter » au système traditionnel par des gains de productivités et sans doute une diminution du nombre d’employés (ou une ré-affection nous le verrons vers la fin de notre voyage, suspense !) et d’intermédiaires. Les banques vont s’emparer de ces technologies. Pour les consommateurs, cette transformation sans bruit, c’est l’espoir d’une baisse des coûts de gestion de vos services bancaires dans un premier temps. Cela va surement à l’encontre de toutes les utopies, croyances, ou certaines idées libertaires en vogue. Mais pas trop vite, j’ai dit « première application ».Dans d’autres scénarios plausibles que nous étudierons plus tard, le secteur bancaire pourrait devoir affronter une véritable révolution.
DEUXIEME APPLICATION MAJEURE DE LA TECHNOLOGIE BITCOIN :
LES MONNAIES NUMERIQUES DE BANQUE CENTRALE
La deuxième application de la technologie Bitcoin, devrait être un poil plus spectaculaire, c’est l’émission de monnaies numériques de banques centrales. Ce sujet fait déjà beaucoup parler car beaucoup y voient un risque pour nos vies privées, contrairement à la technologie Bitcoin qui est (faussement) pseudonyme. Pour cette application, nos pérégrinations vont nous emmener au pays de cocagne !
Personnellement, j’y vois une nouvelle forme de monnaie éventuellement intéressante car nos banquiers centraux sont entre autres qualificatifs les victimes (avis très personnel qui n’engage que moi) :
de la révolution Internet depuis une vingtaine d’années
des innovations financières du secteur financier (produits dérivés, titrisation, CDO, CDS,…)
de l’exubérance irrationnelle du secteur financier
de la fin de l’étalon-or puis de la convertibilité dollar-or puis des balances de paiements
de la cupidité humaine car nous sommes globalement tous guidés par notre « striatum », d’où sans doute les « esprits animaux » popularisé par Keynes
de l’incitation à la prise de risques via des systèmes de bonus court-termistes (au passage où sont les malus rétroactif quand les placements des années précédentes se sont révélés être investis dans des paris hautement risqués ?)
des politiques (qui veulent faire plaisir à leurs électeurs)
de l’aléa moral suite aux sauvetages sans nuance du secteur financier en 2000 puis 2008
du problème de principal-agent (les actionnaires n’arrivent plus à suivre ce que font les employés)
de la géopolitique (le Chine qui dévalue le Yuan en achetant de la dette US)
de leur ambition (louable) de ne pas transformer le paradis artificiel en enfer (catastrophe sociale)
de leur boite à outils insuffisante et surtout dépassée
de dettes souveraines de plus en plus importantes car les états profitent exagérément des taux bas
de pays occidentaux économiquement sur le déclin (y compris les Etats-Unis)
de schémas de pensées keynésiennes
En bref, victime d’un système qui a une inertie très forte et dont ils ont hérités depuis presque un siècle avec la fin du régime étalon-or, et un nouveau monde dominé par les Etats-Unis après les deux guerres mondiales. Le rôle confié par les politiques aux banques centrales c’est de stabiliser les prix (légère inflation. Pas de déflation. Pas d’hyperinflation), et de réagir en cas de panique (ex : manque de liquidités) ou de crise (surtout depuis la Grande Dépression des années 30s, qui a été une catastrophe sociale car la FED n’avait pas réagi). Depuis les années 90s, suite à la période d’hyperinflation des années 80s, les banques centrales sont globalement « indépendantes dans les textes ».
Pour agir, elles ont un outil qui s’appelle « la dette », qui permet d’augmenter la quantité de monnaie en circulation. C’est une vision très simplifiée, en fait, elles ciblent des taux directeurs, qui permettent d’inciter les banques commerciales à emprunter à la banque centrale dont elles dépendent (plus les taux sont bas plus les banques de rang 2 empruntent), ou aux autres banques (quand elles disposent de surplus de liquidités). Selon la théorie quantitative de la monnaie datant du XVIIème siècle qui était partie du constat que l'arrivée massive d'or en provenance d'Amérique latine avait des effets inflationnistes sur les prix en Espagne puis sur le continent européen, l’augmentation du stock de monnaie en circulation permet d’augmenter les prix. Le principal problème c’est que depuis la fin de l’étalon-or, puis plus tard avec l’effondrement de l’étalon change-or (convertibilité dollar-or), cette création monétaire n’est plus liée à une base métallique (l’or en l’occurrence). En faisant çà (pour des raisons complexes. Notamment, la première et la seconde guerre mondiale), la boîte de pandore a été ouverte délibérément par les politiques de l’époque, avec la bénédiction de Keynes. Avec le régime étalon-or, il y avait un repère objectif pour le monde entier. Les balances de paiements (excédentaires ou déficitaires) entre les différentes zones économiques étaient ajustées via des compensations en or. Avec le jeu de la déflation ou de l’inflation dans chaque zone économique, cela garantissait des comptes sains (et peut-être même la prospérité, même si notre époque n’est pas moins prospère mais davantage sujette aux instabilités). Après la seconde guerre mondiale, les Etats-Unis ont commencé à mettre en circulation plus de dollars que de « valeur or ». On parle bien de « valeur » et non de quantité. C’est important car les Etats-Unis ont stoppé la convertibilité dollar-or en prétextant que l’or en stock ne pouvait plus couvrir la valeur agrégée des dollars. Ce qui était vrai (au prix de l’or fixé) mais pas tout à fait. Si par exemple (les chiffres sont simplifiés), ils avaient 1000 tonnes d’or en stock avec un prix de l’once d’or de 31 dollars (1 once d’or = 31 grammes), la « valeur dollars » en circulation devait-être de 31 000 000 000 $. A cause du problème de la balance des paiements car le nouvel étalon dollars est une monnaie nationale et internationale, les Etats-Unis pouvaient s’endetter sans douleur. D’où la célèbre phrase de John Bowden Connally (secrétaire au Trésor des Etats-Unis) : « Le dollar est notre monnaie, mais c'est votre problème ». Avant 1971, il y avait donc (déjà !) beaucoup plus de dollars en circulation que d’or en stock à la Réserve Fédérale. Revenons à notre exemple, disons qu’il y avait finalement 62 000 000 000 $, le double de la « valeur dollars » qui aurait dû logiquement être en circulation. Au lieu de décider la fin du « Golden Exchange Standard », les Etats-Unis auraient pu décider d’augmenter le prix de l’or à 62 dollars afin de garder une convertibilité dollar-or. Je ne sais pas s’il y a un consensus chez les économistes ou les historiens sur les raisons qui ont amenées les Etats-Unis à ne pas choisir cette voie. D’après mes lectures, j’ai cru comprendre que les Etats-Unis craignaient que les autres pays occidentaux exigent un retour à l’étalon-or. Et, ils ne voulaient pas enrichir par un jeu comptable la Russie (en pleine guerre froide), et l’Afrique du Sud. Enfin, ils avaient sans doute pris goût à l’argent facile. En définitive, le roi dollar permet aux Etats-Unis de prospérer depuis 1 siècle (ce n’est pas une critique, j’aime bien ce pays). Le système flottant des devises qui a remplacé le régime change-or a des gros défauts car la monnaie internationale est aussi une monnaie nationale.
Les systèmes monétaires comme ils existent actuellement dans le monde Occidental, engendrent des inflations sectorielles (notamment dans l’immobilier et les actions), et des endettements excessif des états. Ces bulles inflationnistes peuvent créer des crises cycliques (c’est ce qui s’est passé en 2000 puis en 2008). C’est le grand principe « macro », mais les causes et les conséquences sont bien plus complexes. Un système à base de devises flottantes aurait pu très bien fonctionner, mais il exigeait un strict respect des règles par tous les pays, et notamment par le pays qui émet la monnaie utilisée internationalement. Dans un tel système, il faudrait une gestion rigoureuse de tous les pays pour que ça fonctionne bien, mais nous savons que les Hommes suivent la pente de leurs désirs.
Il n’y a même pas un consensus chez les économistes sur les causes de ces crises, bien qu’elles paraissent évidentes. Certains (Keynes notamment) affirmeront que c’est l’instabilité du capitalisme qui forme et déforme les bulles et donc qui génère les crises (au moins il était jusqu'au-boutiste dans sa réflexion). D’autres (les monétaristes de l’école de Chicago ou les économistes d’obédience école autrichienne), pensent que la mère de toutes ces crises, c’est l’hyper expansion monétaire. Sur un sujet que je ne maitrise pas et où il y a deux camps adverses, je me cale au milieu, et je fais mon consensus des deux camps pour essayer d’en tirer un avis éclairé. Pour me forger cet avis, j’ai lu notamment quelques livres de Hayek, Friedman, Rueff, Piketty, Graeber, Smith, Menger, Ricardo, Roubini. Roubini est intéressant, dans le sens où c’est un des seuls économistes contemporains à avoir annoncé la crise de 2007-2008 dès 2005. Personne ne l’avait pris au sérieux bien sûr. Il avait même un surnom Mister Doom (et ce n’est pas parce qu’il détenait un high score au jeu éponyme). Sachez-le, certains experts ou certaines personnes aux responsabilités n’aiment pas toujours lorsqu’on annonce une potentielle catastrophe à venir, même si elle est suffisamment étayée. Endosser un rôle de lanceur d’alertes dans des systèmes complexes c’est très courageux car si vous êtes écouté et que des actions correctrices sont faites, la catastrophe n’arrivera pas, et vous hériterez sans doute d’un joli sobriquet souvent péjoratif. Une exception peut-être, si vous découvrez une grosse fissure sur un barrage hydraulique, vous serez érigé en héros. La préfiguration des risques est très complexe. Plus ils semblent lointains et incertains, moins les Hommes y prêtent attention. C’est un héritage de notre évolution. Cela n’est pas très rassurant pour la lutte contre le réchauffement climatique, car pour voir des effets grandement bénéfiques dans plusieurs décennies, il faudrait pourtant agir très fortement dès maintenant.
La pandémie (2020-2021-…) a provoqué un nouvel épisode de création monétaire partout dans le monde assez phénoménal (pour vous en convaincre il faut aller voir les courbes M0/M1/M2/M3 de l’euro et surtout des dollars), dans un but louable, celui d’accompagner les économies, les entreprises, les états, les peuples et donc vos amis, votre famille, peut-être vous, lors d’un évènement rare et très difficile. Cette forte expansion monétaire est très différente de celles qui avaient précédé les crises précédentes. S’il paraissait évident que l’expansion monétaire était un défaut de notre système avant 2020, il apparaît aussi qu’en cas de crise humanitaire, elle peut avoir des vrais atouts. Mais ce type de crise ne devrait-il pas être l’unique exception ? Difficile de répondre à cette question car après chaque crise - même si elle vient du secteur financier - il peut y avoir des dégâts dans la vraie vie.
Je me demande comment un monde sous un régime étalon-or aurait fait face à cette urgence. Je pense qu’il faille retourner aux époques des deux guerres mondiales pour avoir des réponses. Certains pays auraient stoppé le temps de la crise la convertibilité de leur monnaie avec l’étalon or, afin d’émettre plus de monnaies pour soutenir temporairement l’économie. Puis une fois la crise passée, surtout si elle mondiale, le prix de l’or aurait été réévalué, ce qui aurait effacé l’ardoise aussitôt. Cela aurait exigé une coopération mondiale. C’est tout l’intérêt d’un étalon métallique, comme tout le monde est sur le même bateau, vous êtes obligé de vous mettre d’accord pour prendre une direction, sans quoi vous dérivez et vous risquez de couler au premier obstacle.
La pandémie de 2020, est une des raisons pour lesquelles la critique du système monétaire existant ne peut pas être manichéenne. Je n’ose pas imaginer l’état social de certains pays, sans ce flot monétaire pour accompagner cette crise sanitaire. La politique expansionniste monétaire a été un matelas pour absorber le choc. Il faut remercier Keynes pour cette politique. Même si Keynes, ne disait pas qu’il faille laisser filer constamment les dettes, ses théories ont été simplifiées, voire dévoyées. Il faudrait vérifier auprès d’économistes qui ont étudié la pensée de Keynes, mais je pense que Keynes pensait qu’il était préférable d’augmenter temporairement les liquidités lorsqu’il y avait une crise afin de ne pas assécher les crédits. La grande déflation de 1930 et la spirale déflationniste au Japon, auraient peut-être été moins fortes ou moins longues, s’il y avait eu des interventions des banquiers centraux pour stopper la panique. Souvent une crise c’est d’abord une étincelle (ex : une faillite), puis l’éclosion d’une bulle (immobilier, actions, dettes,…), puis une panique des agents économiques. La panique engendre une crise de confiance (entre les banques commerciales puis des citoyens vis-à-vis des banques), un assèchement des crédits (le risque crédit est mesuré via le « TED spread »), et une chute de certains actifs sous la valeur fondamentale car les banques doivent toutes vendre au même moment leurs mêmes types d’actifs pour améliorer leurs fonds propres et ne pas devenir insolvable. Keynes, propose une solution, c’est que les banquiers centraux soient les prêteurs en dernier ressort en cas de crise. C’est cette théorie qui a été appliquée, plutôt avec succès à ce jour, pendant la pandémie (et en 2008 et encore avant en 2000). Bien sûr cela s’accompagne de dettes monstrueuses qu’il faut ensuite gérer. Les états font « rouler » la dette en empruntant à nouveau pour rembourser les échéances de dettes. Aujourd’hui, malgré des niveaux d’endettements connus uniquement en temps de guerre, cela tient toujours. Tant que les taux d’intérêts ciblés par les banques centrales seront très bas « rouler » la dette ne coûte pas grand-chose. La confiance vis-à-vis du système tient parce que la notion de monnaie est très abstraite. Le cadre monopolistique n’est pas étranger à cette confiance. S’il n’y avait que le constructeur Lada autorisé à vendre dans votre pays, vous rouleriez en Lada sans trop vous poser de question, même si vous aviez fini par remarquer qu’elle freine mal, qu’elle est bruyante dans l’habitacle, ou qu’elle consomme beaucoup. La véritable concurrence dans un marché libre permet aux consommateurs de choisir. Si vous pouvez choisir, le constructeur doit se démarquer pour survivre, en améliorant la qualité et le prix.
Nous vivons une époque plutôt prospère, mais nous avons des fondamentaux monétaires avec des distorsions qui devraient à minima nous questionner pour notre avenir. Surtout, que nous sommes en territoire inconnu. Cet endettement créé beaucoup d’incertitudes. Pour nous tous. Pour les plus anciens, ce risque est un marronnier, et sans doute qu’ils ne croient plus à une crise des dettes souveraines des pays riches. Je ne suis pas du tout collapsologue, toutefois je pense que le système ne semble pas pérenne sur du long terme car les métriques ne sont pas bonnes et qu’il y a des symptômes graves. Soit il sera changé en douceur, courageusement, progressivement et volontairement. Espérons-le. Soit ce sont les évènements qui s’en chargeront, brutalement. La trajectoire de la politique monétaire (émission de monnaie) mondiale souffre des mêmes maux que la trajectoire du réchauffement climatique (émission de carbone).
Nous hypothéquons le futur sur deux fronts.
Alors, que nous avons besoin de stabilité économique pour sauver le climat.
Pensez-vous que lorsque vous n’avez pas de travail, de toit, de nourriture, ou de sécurité sociale, l’écologie soit une priorité ?
J’ai un avis assez clair sur les crises dont l’étincelle trouve son origine essentiellement dans les innovations financières (crise de 2008), à contrario j’ai un avis encore assez flou sur l’expansion monétaire en cas de crise sanitaire par exemple. Je me dis que si nous avions des budgets équilibrés, voire des excédents budgétaires, l’Etat aurait eu des marges de manœuvres pour assister correctement les agents économiques les plus faibles. Ce même équilibrage budgétaire, s’il avait été opéré depuis longtemps aurait sans doute permis de rendre moins « fragile » les agents économiques car moins dépendant de l’état Jacobin centralisateur. Dans un monde sans prêteur en dernier ressort, les risques sont couverts surtout par l’épargne. Sans cette facilité d’accès au robinet des liquidités, les mesures sanitaires auraient surement été différentes, c’est vrai. Je crois qu’il faille attendre quelques années pour avoir un meilleur retour de cette période historique.
A l’opposé de la pensée de Keynes, on trouve la pensée monétariste (Milton,…) ou certains grands théoriciens économiques autrichiens (Menger, Schumpeter, Hayek,…). Pour ces « camps », les monnaies fiduciaires sont viciées, car nous sommes tentés de créer de la monnaie à la moindre occasion. Parmi ces courants, certains (ex : Schumpeter) sont davantage adeptes de laisser la volatilité (les événements dans le temps) détruire les pans de l’économie les plus faibles pour renforcer les pans de l’économie les plus forts. Ils préfèrent laisser exploser des petites bulles en permanence, au lieu de laisser les bulles prospérer et grossir sous l’effet de l’expansion monétaire, car les bulles finiront inéluctablement par exploser.
Les deux visions (Keynes vs Schumpeter) ont du sens. Pour la crise de 2000 ou 2008, j’ai envie d’être schumpetérien (avec juste un sauvetage des dépôts des particuliers). Pour la crise de 2020, j’ai envie d’être keynésien (étant donné l’état de nos finances). Sans intervention en 2008, l’économie mondiale aurait été sans doute en ruine. Mais cela n’a fait que repousser l’inévitable, et pire, cela a conforté (aléa moral) le secteur financier de poursuivre dans cette voie sans issue d’exubérance irrationnelle.
Pour pouvoir faire une transition progressive vers un système monétariste, il faudrait un assainissement des dettes et règlementer davantage les innovations dans le secteur financier, et le secteur bancaire (notamment le secteur bancaire parallèle qui s’est beaucoup développé depuis les recommandations du comité de Bâle).
Arrêtons-nous un court instant pour faire un focus sur un autre domaine que j’apprécie tout particulièrement : la gestion des risques. La pandémie est un évènement que je qualifie de Cygne Gris, car ce n’est pas un évènement rare qu’on peut classer dans « Les inconnus inconnus » (deux fois le mot inconnu, ce n’est pas une erreur), car il y a les « inconnus » dont nous pouvons prévoir les potentiels impacts via la gestion des risques, et puis il y a une catégorie encore plus rare d’évènements que personnes n’est en mesure de prévoir, ce sont « les inconnus inconnues ». Par définition, la gestion des risques peut difficilement s’adapter en amont aux impacts éventuels de ces évènements Cygne Noir. Avant que cela n’arrive, une pandémie était considérée comme un évènement rare, mais ce risque était connu chez les prospectivistes, assureurs, ou agences étatiques, donc c’est un « Cygne Gris ». Si un jour le système monétaire international traversait une tempête, il ne s’agirait pas non plus d’un Cygne Noir, même si les politiciens, certains économistes ou les banquiers centraux affirmeraient sans doute le contraire. Il y a une foule d’indices et de signaux qui indiquent que le système n’est pas correctement équilibré. Des économistes réputés et dignes de confiance le répètent. Nous acceptons de transiger avec la réalité car ça demande moins d’efforts et de sacrifices. C’est notre préférence temporelle qui est vicié. (Cela me fait toujours penser au célèbre test de psychologie du marshmallow sur les enfants. Si vous voulez tester la préférence temporelle d’une personne, proposé lui une gratification différée). Refuser de voir la vérité en face, ne veut en aucun cas dire que le risque lié à notre système monétaire n’existe plus. C’est une politique de l’autruche. Les pays qui sont exposés à ce risque sont dans l’inconnu. Les pays qui sont peu endettés, avec une balance commerciale excédentaire, et surtout un secteur financier plus robuste, s’en sortiront mieux que les autres. Ils sortiraient sans doute gagnants d’un évènement rare, qui est rarement positif. C’est ça la gestion du risque. Une meilleure gestion pour ne pas s’exposer frontalement aux risques. Et, si vous n’avez pas d’autres solutions que d’être exposés à certains risques, il faut prendre des mesures de réduction des risques (dépôts de garanties, cloisonnement des banques de dépôts et d’investissements, pourcentages de fonds propres plus élevés,…). Dans le domaine monétaire, la zone Euro (dont la France), n’ont pas vraiment de couverture aux risques face au système monétaire mondial. Un pays de la zone euro pourrait même être l’étincelle d’une crise vus les niveaux de dettes souveraines. La crise de la dette en Grèce a été une piqûre de rappel que même une zone économique riche n’est plus à l’abri. L’endettement excessif, c’est globalement le péché monétaire de l’Occident et du Japon. Les pays émergents semblent davantage épargnés car beaucoup ont déjà fait défauts dans le remboursement de leurs dettes dans le passé (notamment lorsque les investisseurs étrangers fuient le pays au début de la tempête et quand la valeur de la dette, souvent en dollars, augmente brutalement), et un chat échaudé craint l’eau froide.
Le risque de l’hyper expansion monétaire 2020-2021-…, c’est de renforcer les bulles existantes (immobiliers, actions), d’en alimenter des nouvelles (potentiellement sous les radars de nos politiques et des banquiers centraux qui ne surveillent pas les bulles car ça ne fait pas parti de leurs prérogatives), de poursuivre dans la voie de l’explosion des inégalités (cf. Thomas Piketty), de vivre une période d’hyperinflation ou de « stagflation » (inflation plus croissance anémique), et potentiellement de générer une nouvelle crise systémique à la moindre étincelle. A cause du poids de l’endettement, une crise systémique dans les produits dérivés des matières premières par exemple, pourrait engendrer une crise des dettes souveraines, puis dans la foulée une crise de confiance monétaire (dollars et/ou euro). En comparaison d’une telle crise, les crises de 2000 et 2008 auront été des « crisounettes».
Mais pourquoi est-ce si important de réfléchir à tout ceci dans le cadre des crypto ?
La réponse est simple, Bitcoin propose un modèle alternatif aux antipodes du système monétaire actuel. Bitcoin a une émission limitée et connue du nombre de bitcoin (l’unité). C’est un choix de son créateur. C’est un choix dans la lignée de la crise de 2008. C’est sans doute un choix lié à une connaissance approfondie de l’histoire de la monnaie. Cela fait de bitcoin une « unité déflationniste », c’est vrai. Là où je ne suis pas d’accord avec beaucoup de personnes, c’est que ça ne fait pas forcément de bitcoin un modèle « économique déflationniste ». Cela tient à « l’usage » final des « unités » bitcoin. On peut considérer que l’or était une base métallique (presque) déflationniste. Dans un régime étalon-or, vous ne vivez pas forcément dans une économie déflationniste. Votre zone économique connaîtra une déflation si votre balance commerciale est déficitaire ou connaîtra une inflation si votre balance commerciale est excédentaire. Dans un régime étalon change-or, vous n’avez pas non plus forcément un modèle déflationniste. Votre zone économique peut réduire la quantité de monnaie adossée à l’or, et modifier le taux de parité entre sa monnaie et l’or, ou augmenter la quantité de monnaie puis modifier le taux de parité entre sa monnaie et l’or. La parité est fixée internationalement par les états car ils possèdent une majorité de l’or. Comme dans les années 60s ils peuvent aussi créer un pool d’or commun pour influencer le marché libre à la hausse ou à la baisse afin qu’il y’ait peu d’écart entre le prix fixé et le prix sur le marché libre. Si vous avez un prix fixe de change or, vous pouvez créer une inflation ou une déflation généralisée en décidant (concertation internationale) de baisser ou d’augmenter ce prix fixe de change. L’utilité d’un étalon avec un métal rare, est donc moins de s’inscrire dans un modèle économique déflationniste, que d’avoir un point d’ancrage international pour conditionner la liquidité des sous-jacents. C’est un garde-fou contre les expansions monétaires excessives et dans la durée. C’est un garde-fou contre les balances de paiements internationales trop déficitaires, car si les pays excédentaires demandaient la convertibilité de votre monnaie nationale adossée à l’or, vous pourriez voir votre stock d’or fondre comme neige au soleil. En définitive, c’est surtout la promesse d’une saine compétition économique mondiale, sans spoliation de richesses liées à des mécanismes insidieux de doubles pyramides de crédits (ex : les Etats-Unis avec le dollar).
Bitcoin est d’obédiences monétariste et autrichienne car bitcoin est une unité « dure ». Le passage du système actuel à un système Bitcoin, progressivement et en douceur serait complexe, et le système bitcoin, changerait beaucoup de choses dans nos vies quotidiennes car beaucoup de pays riches vivent aujourd’hui au-dessus de leurs moyens. Cela explique en partie les débats passionnels autour de bitcoin. Il faut se décider entre être Keynésien ou Schumpetérien (par exemple), alors que les deux visions ont leurs avantages et leurs inconvénients. C’est d’autant plus difficile, que nous ne partons pas de zéro. C’est d’autant plus difficile aujourd’hui que la pandémie est passée par là, et qu’un système schumpetérien aurait été encore plus difficile à vivre pour les entreprises, les salariés et les citoyens.
Est-ce que cet endettement colossal ne va pas réduire nos marges de manœuvres futures ?
Reste-t-il de la marge de manœuvre en cas de nouvelle crise (et il y en aura surement des nouvelles) ?
Limiter la masse monétaire ou l’endettement sont-elles des règles de bon sens dépassées ?
N’est-il pas préférable de pouvoir pallier à l’urgence via l’expansion monétaire lors d’une crise sanitaire puis subir l’orage d’une hypothétique crise économique à cause de cet endettement plus tard ?
Un système monétaire comme le régime étalon-or ou le change-or auraient-ils permis d’absorber de tels chocs économiques ?
Comment se seraient ajustés post-crise un régime étalon-or ou un étalon change-or, si les états avaient créés de la monnaie massivement pour soutenir l’économie ?
C’est important de se poser toutes ces bonnes questions, avant d’être éventuellement, pro ou anti bitcoin, pro ou anti monnaies numériques de banques centrales, pro ou anti statu quo.
On voit bien que Bitcoin est un sujet politique, économique, social et même philosophique. Si on se pose toutes ces questions, c’est parce que Bitcoin existe encore 12 ans après son lancement. Si Bitcoin existe encore c’est qu’il y’a peut-être un besoin ou une crainte partagé. Le besoin est étroitement lié aux problèmes du système actuel. Bitcoin n’existerait pas si le système existant était satisfaisant.
Bitcoin pourrait devenir un « soft fork » ou « hard fork » du système actuel. L’ironie, c’est que ce sont les maux du système actuel (expansion monétaire excessive, exubérance irrationnelle, « esprits animaux », espoirs de gains faciles et rapides,…) qui nourrissent en grande majorité le système Bitcoin. Peu de gens investissent dans bitcoin en sachant que sa proposition de valeur est d’être un système monétaire alternatif. D’autres le savent, mais ce n’est pas la motivation première. Si dans 100 ans, bitcoin avait réussi son coup, les historiens diraient que bitcoin était le cheval de Troie du système économique dominant, ou sa « Kryptonite », ou (moins causal) un sauf-conduit pour traverser une grande dépression économique auto-immune dans l’ancien système.
Comme Bitcoin est un système alternatif (trop) radical, voyons plutôt si le système actuel ne peut pas être amélioré pour atteindre les mêmes objectifs de stabilité économique.
Nous reviendrons sur bitcoin plus tard, il ne s’agissait que d’un amuse-bouche.
« Otage », « victime », ou « coupable » les banquiers centraux ?
Ils sont otages de leurs impuissances réformatrices, des politiciens, des dettes souveraines, de leurs outils, des balances de paiements, de l’utilisation du dollar (monnaie nationale) en tant que monnaie internationale, de l’addiction des agents économiques (états, banques, entreprises, citoyens) à l’argent facile, de schémas de pensées, de craintes, du déclin économique de l’occident, de la géopolitique, et de la révolution numérique (internet surtout).
Ils sont victimes du secteur de la finance (système de bonus, innovations complexes, cupidité), du problème de principal agent et des évènements rares.
Enfin, ils sont coupables d’avoir créé en 2008 un aléa moral en sauvant quasiment toutes les entreprises du secteur financier, sans distinction entre les banques qui souffraient uniquement de liquidités et celles qui étaient devenues insolvables à cause de trop grandes prises de risques, puis de ne pas profiter des périodes de calme pour inciter publiquement des pistes de réformes aux politiques.
Il y a un point qui n’est pas souvent abordé (ou connu) et peut-être même pas suffisamment étudié, c’est l’impact du numérique et surtout d’internet sur les économies, les balances commerciales, la productivité, l’offre et la demande, la déflation technologique, les bulles, les crises et in fine sur les politiques monétaires.
La source de la crise de 2008 ce sont les prêts NINJA, les prêts hypothécaires, et la titrisation de prêts toxiques dans le monde entier via notamment le secteur bancaire parallèle (en utilisant des « conduits » ou des « véhicules » d’investissements pour sortir ces actifs risqués des bilans des banques). Je me demande si toute ces innovations financières, leurs industrialisations à des très grandes échelles et la diffusion dans la finance mondiale, n’ont pas été permises uniquement avec l’émergence d’internet. Le passage du modèle financier « originate and hold » au modèle « originate and distribute » aurait-il été possible dans une finance sans internet ? Je ne crois pas. C’est Internet qui a créé l’opportunité de faire de la titrisation de millions de prêts hypothécaires d’américains, et de les distribuer partout dans le monde. Internet ne serait pas la cause, mais c’est l’opportunité puis l’accélérateur. Le numérique n’a pas fini de transformer le monde. Nous pensons à tort, que la révolution numérique est derrière nous, que la révolution internet également. Le numérique transforme depuis 40 ans puissamment et profondément nos sociétés. Et Bitcoin n’est que dans la continuité de cette véritable ère du numérique. C’est très loin d’être une révolution terminée. Je pense que nous ne sommes même pas encore au pic de cette révolution numérique. Vigilance, transformation toujours en cours. L’innovation technologique et numérique Bitcoin, pourrait bien apporter son lot de bouleversements et de soubresauts économiques si cette nouvelle vague ne déroge pas aux deux précédentes. Le numérique est une innovation pour le meilleur et le pire. Nous mesurons encore assez mal les impacts de cette révolution en cours. En attendant la fin de la révolution numérique, ou des nouvelles théories sur les impacts du numérique, nous continuons d’utiliser des outils qui fonctionnaient bien pour un monde ancré uniquement dans le monde physique, et une économie issue de la révolution industrielle.
Depuis 20 ans, les banquiers centraux n’arrivent plus à contenir la déflation technologique, et donc les prix autour de 2% d’inflation (c’est souvent en dessous), malgré l’abondance de monnaie injectée dans le système. La digitalisation des biens et des services a comme cassé les outils de mesure et de stabilisation des prix. Depuis plusieurs années, le taux de croissance des économies des pays développés est plutôt anémique car les PIB progressent moins. Il semblerait que cet indice PIB prenne assez mal la température de l’économie du gratuit. C’est comme si vous essayiez de prendre votre température dans un frigo ou dans un sauna. La révolution numérique c’est beaucoup de gratuit car ce sont vos données et la publicité le produit. Il y’a donc tout un pan économique qui est mal comptabilisé dans le taux de croissance. Peut-être que tenter de combattre la déflation technologique dans un tel contexte est voué à l’échec ? Si ce qu’on consomme est de plus en plus gratuit ou avec un coût marginal, injecter plus d’argent en circulation ne fait pas monter les prix de ces services gratuits. Dans un monde numérique, dans un monde d’abondance, dans un monde du presque gratuit, peut-être que l’objectif de légère inflation est un mauvais objectif, tout simplement. D’autant plus que les banquiers centraux semblent utiliser un outil de stabilisation des prix vicié. Nous héritons d’une époque révolue, d’un mauvais objectif et de surcroît d’un mauvais outil pour atteindre cet objectif.
Les banquiers centraux suivent un mandat octroyé par les politiques. Peut-être que depuis la crise de 2008, ils font plus que ce qu’ils devraient car leurs indépendances ne sont pas totalement assurées. La réserve fédérale américaine est par exemple passée de « prêteur en dernier ressort » à « investisseur en dernier ressort » lors de la crise de 2008. Ils ont déployés des instruments incroyables et ingénieux pour éteindre l’incendie bancaire. Ces instruments dépassaient de loin leurs prérogatives. C’est sans doute le retour d’expérience de la Grande Dépression qui a autorisé ces politiques monétaires d’urgences.
Mon sentiment c’est que la boite à outils (mesure du PIB, mesure de l’inflation, utilisation de la dette pour générer de l’inflation) n’est plus adaptée au monde dans lequel nous vivons, et ces outils finissent par se retourner contre nous. Ils nous font plus de mal que de bien. C’est l’effet iatrogène du système actuel. La monnaie ! C’est peut-être une chose trop grave pour être confiée aux banques centrales finalement, pour paraphraser Clémenceau.
Certains banquiers centraux (lorsqu’on lit entre les lignes), sont conscients des dommages collatéraux de l’outil « dette » (surtout la BRI, la banque des banquiers centraux), mais jusqu’ici il y avait assez peu de solution alternative, sauf peut-être accepter que la révolution numérique baisse certains prix.
Aujourd’hui encore, les solutions alternatives ne sont pas toutes évaluées correctement. Je ne pense pas au Bitcoin en disant ça. Je pense à une solution comme la « monnaie hélicoptère » qui permettrait de distribuer des petites sommes d’argent gratuitement sans emprunt et donc sans dette, régulièrement, lorsque les prix baissent trop, à une assiette beaucoup plus égalitaire que les crédits, dans le but de stabiliser les prix déflationnistes, éviter les inflations sectorielles (immobilier surtout) et l’accroissement des dettes. L’outil « dette » redeviendrait un outil exclusivement de financement de l’économie, fonction qui paraît plus saine.
La technologie Bitcoin a ouvert la voie à l’euro numérique. Une monnaie numérique de banque centrale permettrait de tester beaucoup plus facilement ce concept de monnaie hélicoptère.
L’empressement actuel de certaines banques centrales (zone euro notamment) à vouloir déployer une monnaie numérique me laisse penser qu’ils sont conscients de l’absurdité du système actuel (ex : taux d’intérêts négatifs) et des enjeux sociaux (réduction des inégalités, gestion de l’inflation, désendettement des états,…). J’ai l’impression qu’ils pressentent le risque de ne rien faire, même s’il ne faut pas compter sur une banque centrale pour expliquer ça sur la place publique. C’est le genre d’aveux publics beaucoup trop risqués, qui pourraient faire chuter la confiance et déstabiliser la zone Euro. Peut-être en ont-ils marre de jouer les pompiers à chaque fin de cycle inflationniste, ils veulent éviter le prochain feu, ou avoir une lance à incendie plus efficace ? Quoiqu’il en soit, le système actuel paraît insoutenable dans la durée, et s’ils ne faisaient rien, nous pourrions traverser des périodes très compliquées. Naïvement, ou benoitement, c’est ce que nous serions en droit d’attendre de la mise en œuvre d’une monnaie numérique de banque centrale. Sinon, je ne vois pas où est l’intérêt pour les citoyens européens. Les MNBC (ou CDBC en anglais), ne sont pas la solution miracle à tous les problèmes. Correctement utilisée, cela pourrait arranger le problème de l’inflation sectorielle et donc de l’explosion des inégalités à l’échelle d’une zone économique. Le revers de la médaille c’est si vous utilisez la monnaie hélicoptère comme outil de stabilisation des prix, les banquiers centraux n’ont plus de nécessité de cibler des taux directeurs bas. Si les taux d’intérêts remontent, c’est le poids de la dette souveraine qui augmente fortement. Et, la source des crédits immobiliers se tarirait aussi. La monnaie hélicoptère serait un excellent moyen pour les banquiers centraux de respecter leurs prérogatives de légère inflation, de ne pas nourrir des bulles (et donc des crises), de redorer leur capital image (distribution d’argent sans distinction et réduction des inégalités), et de mettre les politiciens devant leurs responsabilités (gestion de l’endettement souverain). Comme on pouvait s’en douter, les Etats-Unis, ne se presseront pas de lancer une monnaie numérique en dollars. Devons-nous nous en inquiéter ? Oui, un peu, cela veut dire que les Etats-Unis ne semblent pas avoir pris la mesure des risques de poursuivre dans la voie empruntée.
Les monnaies numériques de banques centrales sont une avancée dans le bon sens, mais sans réforme globale du système monétaire international, elles ne solutionneront pas le problème des balances de paiements entre les pays, de la compétition économique faussée entre les pays, de l’illusion de richesse (« argent magique »), et du risque systémique d’un déclin brutal du dollar par exemple.
TROISIEME APPLICATION MAJEURE DE LA TECHNOLOGIE BITCOIN :
LA FINANCE DECENTRALISEE
La troisième application de la technologie Bitcoin, c’est la finance décentralisée. La minimisation de la confiance va permettre à des acteurs de petites tailles de concurrencer des acteurs traditionnellement monopolistiques. Il y’a une rude compétition actuellement pour consacrer l’infrastructure leader de la DeFi. Ethereum caracole en tête à ce stade. Le secteur de la « DeFi » est en pleine ébullition pour créer des services à l’image du secteur financier et bancaire traditionnel ou innovants. Parmi ces services plus ou moins décentralisés, nombreux sont ceux qui sont hébergés sur ces nouvelles infrastructures issues des différentes briques technologique popularisées par Bitcoin. Après la numérisation (avec l’ordinateur), la désintermédiation (avec internet), c’est la « tokenization » du monde qui est en marche (avec les blockchains).
Arrêtons-nous quelques instants sur ces briques technologiques popularisées par Bitcoin :
des chaines,
des blocs,
du contrôle d’intégrité à l’aide de la cryptographie,
une forte décentralisation,
de la réplication.
Toutes ces briques forment la chaîne de transactions signées byzantine répliquée.
C’est ça l’innovation majeure d’un point de vue technique.
La réplication est très importante pour que le système soit tolérant aux pannes et aux attaques. C’est le côté « anti-fragile » du Bitcoin, bien que Nicholas Nassim Taleb (ancien Trader) le créateur de cette notion d’anti-fragilité, ait tenté de démontrer dernièrement que bitcoin est fragile et vaut 0. Certains de ses arguments sont très pertinents, mais son raisonnement s’enracine dans une vision exclusivement financière. Lorsque qu’il se sera penché sérieusement sur l’aspect technique, il changera peut-être (encore) d’avis. En 2018, il voyait Bitcoin comme une police d’assurance contre le monopole monétaire dans la préface du livre « L’étalon Bitcoin » de Saifedean Ammous. Dans ses livres Nicholas Nassim Taleb dit qu’il ne faut pas demander aux personnes leurs prédictions, il faut mieux demander comment elles sont exposées. La question qui me vient naturellement à l’esprit c’est si Nicholas Nassim Taleb détient du bitcoin ?
Un point crucial à comprendre : Bitcoin est une innovation technologique qui peut faire basculer le monde de la finance dans le monde de la « Tech ». Si les banques commerciales ne montent pas rapidement et très fortement dans le train de la transformation, beaucoup disparaitront. Mais ont-elles les codes de la « Tech » ? Arriveront-elles à penser comme des « geek » ? S’évertueront-elles à s’emmurailler derrières des règlementations, qui ne tiendront pas longtemps devant des gros acteurs de la « Tech » américaine ? C’est un des derniers secteurs que les « geek » - dans le bon sens du terme – ne « dominent» pas encore, car il y avait cette barrière à l’entrée, qu’était la confiance. Le verrou de cette barrière a sauté en 2008.
Je vous l’accorde, 13 années ont passées et les résultats ne sont pas encore spectaculaires, mais c’est un secteur historiquement sclérosé, complexe, avec une réglementation tout aussi complexe qui freine l’interopérabilité, l’arrivée de nouveaux acteurs et l’innovation. C’est la raison pour laquelle ce secteur a assez peu évolué depuis des décennies malgré la révolution numérique, et qu’il faille toujours 24 à 48 heures pour faire un virement même en France. Cela prendra du temps, au moins 5-10 ans encore pour constater les bénéfices de cette transformation pour le grand public, même si la progression ne devrait pas être linéaire. Lorsque le point de bascule sera atteint il deviendra évident pour tout le monde que nous sommes dans une nouvelle « impulsion transformatrice puissante », « petite-fille » de la révolution numérique (après internet). C’est la notion « d’inversion d’infrastructure » popularisée par Andreas Antonopoulos (notamment). La troisième révolution industrielle (décarbonation de l’économique) théorisée par Jeremy Rifkin devra peut-être encore patienter un peu car la transformation numérique est toujours à l’œuvre et est encore très forte. Comme un nouveau-né, une révolution à la fois.
En fait, tout n’est pas encore joué, cela devrait beaucoup dépendre du destin de bitcoin et d’effets exogènes (dollar, géopolitique, Cygne Noir,…). Si vous prenez juste la « blockchain », il s’agira d’une transformation, d’une page dans le grand registre de la révolution numérique. Par contre, si vous infusez un peu de bitcoin dans la bouilloire en ébullition du réseau de la valeur, là il pourrait s’agir d’un cocktail détonant qui aurait le contour d’une véritable révolution dans tous les sens du terme (politique, sociale, économique, humaine, historique et même culturelle !), avec un fort épisode de création-destruction et donc des gagnants et des perdants. Bitcoin marche seul devant son armée de blockchains comme un éclaireur. Bitcoin teste les limites des gouvernements. Bitcoin veut ouvrir la voie à l’abolition des monopoles des monnaies.
La finance décentralisée c’est la banque et la finance presque en mode « open-source » car tous les développeurs du monde ont désormais en librairie de leur « framework » de développement un objet nommé confiance qu’est la blockchain ainsi que des briques conceptuelles autours qui peuvent donner plus ou moins de confiance en fonction du niveau requis. Cela va libérer les énergies des bricoleurs (dans le bon sens du terme) du monde entier pour concevoir des nouveaux services que nous ne pouvons pas imaginer aujourd’hui. Que peut faire le secteur traditionnel bancaire et financier, contre des millions de personnes qui réfléchissent et développent dans leurs garages (pour reprendre la formulation usuelle) des nouveaux services innovants ? Que peut faire ce secteur, contre des jeunes souvent brillants et ultra motivés pour bousculer le monde établi qui comprendront l’intérêt de cette technologie bien plus vite que les entreprises sclérosées par les années, leurs tailles et leurs conservatismes ? Avec un simple ordinateur et une connexion internet ils peuvent interagir avec un marché qui était totalement inaccessible auparavant. Les banques et les entreprises de la finance rachèteront les startups pour s’approprier les connaissances et des nouveaux marchés, jusqu’au jour où une startup (souvent américaine, souvent de la région de San Francisco) gavée aux liquidités via le capital-risque ne succombera pas aux sirènes des acheteurs, et deviendra trop grosse, trop forte et concentrera une bonne partie de la richesse créée dans ce nouveau réseau de la valeur.
Les changements vont être profonds. Nous sommes toujours en attente de la « killer app » qui convertira des milliards de personnes dans le monde, j’en conviens. Elle finira par arriver j’en suis convaincu, ce n’est plus qu’une question de temps.
Il est fortement probable que cette « killer app » soit américaine car la taille de leur machine « essais-erreurs » n’a aucune mesure avec la taille de la machine européenne et même chinoise à ce jour. Les américains ne sont pas plus intelligents ou meilleur que nous. Certes, ils ont cette culture de prise de risque (esprit de pionnier) que nous avons moins, et qui permet d’être plus entreprenant (comme disait Mark Twain : « Ils ne savaient pas que c'était impossible, alors, ils l'ont fait ! »). Mais, pour moi, le vrai « secret » (si quelqu’un en a un autre je suis ouvert), c’est la concentration des erreurs dans une zone géographique réduite (en l’occurrence la Silicon Valley). Les erreurs des uns profitent aux autres. Contrairement au dicton bien connu (« ce qui ne tue pas rend plus fort ») les erreurs ne profitent pas sur le moment à soi-même dans un cadre d’innovation par itérations, car quand on fait une grosse erreur l’aventure entrepreneuriale se termine. Mais les autres, le collectif qui a pu analyser l’erreur commise, profitent de l’erreur pour ne pas suivre la même voie et emprunter de nouvelles voies, jusqu’à ce qu’il y’ait un petit malin (le mythe du génie qui serait capable de produire une innovation de rupture de zéro, tout seul, à une époque où tout est devenu tellement complexe techniquement, a vécu) qui capitalise astucieusement sur toutes ces erreurs, pour emprunter une voie légèrement différente, et par hasard trouver « une voie » qui fonctionne, pendant une durée plus ou moins longue. L’innovation c’est comme le Darwinisme. A charge au temps de faire son œuvre de sélection-destruction avant la prochaine amélioration incrémentale ou innovation de rupture. Dans le domaine de l’électronique, ce temps est souvent court car ce sont des objets complexes encore contemporains, qui n’ont donc pas été soumis aux aléas du temps et qui offrent une large possibilité d’améliorations, d’où l’obsolescence « non programmée » que nous subissons depuis l’ère de l’électronique.
Je reviens à ma machine « essais-erreurs », mais française. Les erreurs faites par des bricoleurs à Paris, profitent difficilement aux bricoleurs des grandes villes de province. Les erreurs faites à Londres, à Rome, ou à Berlin ne profitent aucunement aux bricoleurs parisiens. Ce qui a pour conséquence directe, que le lieu où vous vivez, où vous innovez, est un point majeur de succès ou d’échec dans les entreprises innovantes. Ce n’est pas indépassable, mais pour moi cette émulation « tentatives-erreurs » est la première raison de l’absence de géants du numérique en Europe. Pour augmenter nos probabilités de faire émerger des licornes dans la finance décentralisée, l’Europe devrait créer une zone extraterritoriale avec un partage éventuellement des retombées économiques, dans un endroit fun, qui magnétiserait les jeunes bricoleurs européens du numérique. Le but est de diffuser la « non-connaissance » (ce qui ne marche pas, ce qui est faux). Les bricoleurs de l’Europe ont un apprentissage moins efficace comparés à leurs homologues américain car les machines d’essais-erreurs n’ont pas la masse critique suffisante. Beaucoup de moyennes machines « essais-erreurs » ne sont pas égalent à une très grosse machine « essais-erreurs ». « L’union fait la force » dans l’innovation. Si l’Europe et les français, veulent espérer surfer sur la vague de la finance décentralisée, il faut créer un HUB à l’échelle de l’Europe. La barrière de la langue pourrait être un frein mais les différences de cultures (et donc de schémas de pensées) devraient compenser largement. Il faudrait créer une sorte de programme Erasmus de l’innovation européenne, mais vers un seul lieu.
QUATRIEME APPLICATION MAJEURE DE LA TECHNOLOGIE BITCOIN :
SYSTEME MONETAIRE ALTERNATIF
La quatrième et dernière application de la technologie Bitcoin, c’est « Bitcoin-bitcoin » himself of course ! L’application monétaire est la plus évidente, car le problème de la « double dépense » peut-être résolu sans tiers de confiance désormais. J’ai essayé de distiller des concepts économiques lors de mes pérégrinations, mais j’ai assez peu évoqué la valeur ajoutée de Bitcoin.
Qu’est-ce qui fait que Bitcoin est totalement unique et qu’il ne s’agit pas d’une simple blockchain comme les autres ?
D’abord, c’est la blockchain dont l’histoire est la plus belle, dont la motivation est la moins cupide, ou la plus mystérieuse car son (ou ses) créateurs est (sont) inconnu(s). Ce dernier point n’est pas du tout négligeable, car Bitcoin appartient du coup à personne, et par conséquent à tout le monde. Un fondateur peut être assimilé à un être fantasmagorique ayant des dons de prophètes surtout si le but (non caché) est de proposer un « système monétaire » alternatif. Cet anonymat est bénéfique pour la neutralité du « projet », et sans doute aussi quelque part pour la liberté du créateur (si tant est que cette personne soit encore vivante) car créer un tel système libertaire (dans l’esprit de la mouvance Cypherpunk californienne) n’est peut-être pas totalement sans risque judiciaires (cf. PGP). Nous n’aurons sans doute jamais de certitude sur l’identité de ce « célèbre inconnu », et c’est préférable ainsi. Nous pouvons juste deviner que Bitcoin est sans doute le fruit d’un petit « mouvement pour la monnaie libre » avec comme membres des « Financial Cryptographers » transgressifs. Le Patoshi pattern de Sergio Demián Lerner semble démontrer qu’il s’agissait d’un seul ordinateur PC à l’origine des premiers blocs minés. On peut donc supposer qu’il n’y avait qu’un seul « tech leader » pour le « projet de développement ». Très peu de personnes dans le monde avaient les connaissances techniques, la non-connaissance (les échecs), la grande motivation, la culture (histoire de la monnaie, économique, notion de confiance) en 2007-2008 pour créer bitcoin. Ils devaient se compter sur les doigts de deux mains. Peut-être qu’il y a eu des opportunités de rapprochement sur ces sujets entre plusieurs personnes. A mon sens, la personne connue la plus inspirante (et intellectuellement très brillante) sur tous ces sujets (économiques, politiques, monnaies, informatique, cryptographie, calcul multipartite sécurisé), c’est à n’en pas douter Szabo Nick. Feu Hal Finney, faisait partie de ces connexions avant mêmes les échanges sur les forums (ex : bitcointalk), à minima depuis la publication de son protocole RPOW (Reusable Proof of Work). « L’idée » de l’anonymat vient peut-être de lui car il a suivi de près les déboires judiciaires de son patron chez PGP. Et, un vrai-faux Satoshi Nakamoto vivait dans son quartier. Il y a un très grand respect de la petite communauté cypherpunk pour l’anonymat, même si Hal Finney savait, il ne l’aurait jamais dit, même pas à ses proches (ou alors l’idée de l’anonymat est arrivée sur le tard), c’est certain. Je crois tout simplement qu’il faille respecter cet anonymat, et ne pas chercher à creuser par tous les moyens car de toute façon Satoshi ne veut pas reconnaître la paternité de Bitcoin. Et, cela n’a plus aucune importance sur le développement de Bitcoin et des blockchains.
Bitcoin c’est la blockchain dont la symbolique et l’idéologie est la plus forte. Bitcoin c’est la blockchain dont la sécurité est la plus élevée. Bitcoin c’est la blockchain dont la confiance est la plus forte aujourd’hui. Pour toutes ces raisons, Bitcoin est la blockchain dont la valeur est la plus forte.
Contrairement à ce qu’on pourrait croire, il ne suffit pas d’une (simple) « blockchain » pour instaurer de la confiance digitale. Pour vous en persuader, je vous mets au défi, de copier Bitcoin à partir de zéro. Vous constaterez très vite que vous n’arriverez pas à atteindre le niveau de confiance dont elle jouit aujourd’hui. La confiance dans une blockchain c’est le fruit de nombreux paramètres, et parmi ces paramètres, il y‘a une part de hasard et donc d’incertitude. Aujourd’hui bitcoin est l’unité crypto qui a la plus grosse confiance, cela se reflète dans son prix actuel, car c’est celle qui a démontré la meilleure sécurité jusqu’ici. Et comme c’était la première, tant que bitcoin démontrera qu’elle est ultra-sécurisée (pas de panne, pas de double dépense,…), aucun outsider ne pourra déloger la reine des crypto. Comme une chaine de blocs c’est de la minimisation de la confiance, celle-ci doit avoir une sécurité très élevée pour que la « preuve de confiance » soit intacte. Bitcoin a inversé la charge de la preuve. Nous avons confiance collectivement dans Bitcoin, car elle nous démontre chaque jour qui passe que nous n’avons pas besoin de nous inquiéter. Attention, cela ne veut pas dire que Bitcoin existera encore demain. Cela veut juste dire que chaque jour qui passe augmente la probabilité de poursuivre sa route. Les banques doivent démontrer que nous pouvons toujours avoir confiance en elle à chaque crise économique. Cette confiance passait beaucoup par le fait que nous n’avions pas vraiment de solution alternative. Je fais donc le pronostic que la prochaine grosse crise systémique de l’économie mondiale risque d’avoir des répercussions très différentes des précédentes car désormais il y a un « exit rescue » connu, facile et rapide.
Dans un monde où la cybermenace va continuer de croître, la proposition alternative d’un réseau ultra-sécurisé depuis 12 ans, alors qu’il y’avait 1000 milliards d’€ dessus à l’ATH (All Time High), ne manque pas d’atouts.
Quelles sont les incertitudes qui mettent en péril l’existence de Bitcoin ?
Une percée dans les mathématiques fondamentales (solution au problème P = NP par exemple). « Echec et Maths » (jeu de mots) en effet, mais ce sont aussi tous les systèmes informatiques du monde (dont le https et les systèmes de paiement) qui deviendraient des passoires. Cela permet de relativiser.
Une avancée rapide dans le domaine des ordinateurs quantiques. A priori, Bitcoin pourrait s’adapter avec des algorithmes de chiffrement résistants à l’informatique quantique. Comme pour les mathématiques, la sécurité des transactions et des communications seraient globalement impactées.
Une interdiction du « mining ». Le « mining » du bitcoin est « hors-sol », tant qu’il y’aura quelques endroits sur Terre ou dans l’Espace pour se connecter à internet et disposer d’une énergie électrique (qui permet une rentabilité de l’activité, ou non d’ailleurs), une « muraille » de puissance de calcul pourra continuer à défendre l’intégrité de la blockchain Bitcoin. Le gros bémol, c’est la quantité d’énergie gigantesque utilisée. Cela pourrait devenir impopulaire. Miner du bitcoin pourrait devenir « has been » si sa proposition de valeur n’est pas suffisamment évidente, mais tant qu’il y aura une forte incitation financière, il y aura toujours des mineurs. D’autant plus que le mix énergétique du minage du bitcoin tend à devenir de plus en plus vert. La question est moins de savoir combien bitcoin émet de CO2, que si cette énergie utilisée ne peut pas être mieux employée.
Un prix très bas du bitcoin diminuerait l’incitation à miner du bitcoin. S’il y a moins de hashrate, la sécurité est moins élevée.
Une porte dérobée dans le matériel de minage (ASIC). C’est sans doute l’action clandestine la moins improbable. Il y’a peu de constructeur d’ASIC et les plus gros fabricants sont chinois. Avec une architecture IT adéquate des fermes de minages ce risque est facilement maitrisable. Tout le matériel d’une ferme n’a pas besoin d’être exposé à internet. Un virus dédié ASIC pourrait-être un autre risque.
Une attaque à 51%. La fameuse attaque ! Vu le taux de hashrate actuel, c’est devenu une attaque improbable dans le paysage actuel. Il faudrait déployer une logistique quasi militaire. Une fois « l’attaque » effectuée via une puissance de calcul au moins égal à 51% de la puissance de calcul totale à un instant T, elle serait détectée, et la confiance vis-à-vis de la blockchain chuterait. Si la confiance chute, tout laisse présager que le prix du bitcoin chutera également. Ce type d’attaque ne peut être qu’une logique de pure « destruction » par un Etat, en aucun cas une entreprise de « casse du siècle ». Ce qui n’est pas le cas des « smart contract » ou des DAO qui devront rester « idiot by design » pour espérer se développer. Nous savons que la Chine est capable d’une logistique assez impressionnante (nous l’avons vu pendant la pandémie). Tout récemment, suite à l’arrêt des fermes de minage chinoises, la latence d’adaptation de la difficulté du minage aurait pu être une brèche exploitable dans l’attaque à 51%. Si à un instant T vous avez plus de 51% du minage en Chine, que vous éteignez tout, que vous attendez l’adaptation à la baisse de la difficulté de minage, et que vous rallumez d’un coup suffisamment de fermes éteintes en Chine (51% du nouveau hashrate sans la Chine), vous avez une fenêtre de tir semble-t-il avant la remontée de la difficulté de minage pour faire une attaque à 51% coordonnée par la coercition de l’état. Ce n’est pas ce qui s’est passé. La Chine ne voulait donc pas stopper Bitcoin. La Chine a peut-être voulu éliminer un concurrent gênant au futur yuan numérique, éviter des effets sociaux indésirables et incontrôlables, et soulager son réseau électrique. La plupart des mineurs vont partir s’installer dans un autre pays ou vendre leurs matériels à l’étranger. L’épisode d’exode massif des mineurs chinois a surtout validé (si c’était encore nécessaire) la très grande utilité de la fonctionnalité de nivellement automatique (vers le bas ou le haut) de la difficulté de minage afin de maintenir la sécurité (nivellement vers le haut), ou le « poul de l’organisme digital Bitcoin » d’environ 1 pulsation (1 bloc) toutes les dix minutes (nivellement par le bas). Ce qui confirme encore une fois que Bitcoin est robuste. Le retrait de la Chine diminue la probabilité d’une l’attaque à 51% sur le réseau Bitcoin. Le retrait de la Chine accorde plus de crédit au bitcoin pour les occidentaux. Le retrait de la Chine devrait améliorer sensiblement le mix énergétique qui alimente le réseau Bitcoin. A qui profite ce bannissement ? Aux américains, nationalité qui détenait déjà une grande partie des bitcoins en circulation.
Autre risque, la levée du secret sur l’identité de Satoshi Nakamoto et ses ~700K bitcoins. Sans neutralité, bitcoin n’appartiendrait plus à tout le monde. Bitcoin deviendrait la création d’une personne. L’anonymat prouve que cette personne est totalement détachée des sentiments d'arrogance, de prétention, de fierté, de vanité, ou de suffisance. Les centaines de milliers de bitcoins minés au démarrage par cette personne sont un risque pour le cours du bitcoin, mais une personne qui choisit l’anonymat pour dévoiler au monde entier une innovation de rupture n’en a sans doute que faire de l’argent, à moins d’avoir un objectif personnel post-mortem ou humanitaire sur plusieurs décennies, voire plus. Cette idée saugrenue que cette personne ait pu égarer malencontreusement les clés privées d’une des œuvres de sa vie ne me convainc aucunement car c’est forcément quelqu’un qui a dû travailler obsessionnellement sur ce problème pendant plusieurs années.
La vraie menace mondiale qui pèse sur Bitcoin comme une épée de Damoclès, c’est la réglementation.
Contrairement à ce qu’on pourrait croire, si le réseau physique Bitcoin est difficile à stopper car « hors-sol », c’est « bitcoin » (l’unité virtuelle), qui est le plus facile à freiner et même à arrêter dans le monde réel car tant que cette unité n’est pas reconnue comme devise légale dans plusieurs pays significatifs, l’utilisation restera marginale. En France, tant que bitcoin restera vu juridiquement comme un « actif numérique» par le code des impôts, l’achat d’un bien de consommation en crypto-monnaie - même si celui-ci est libellé en crypto - déclenche une obligation fiscale. Si vous pensiez qu’acheter un produit (une Tesla par internet par exemple) en bitcoin avec l’argent du « bull run » de 2020, vous dispensait de la flat taxe de 30% sur le gain net annuel de votre trading global en crypto, c’est raté ! Pour s’attaquer à Bitcoin, il faudrait donc s’attaquer au pan juridique via bitcoin. Je ne sais pas dans quelle mesure le bitcoin chuterait si un pays important ou une coalition de pays, décidaient de taxer ou d’imposer lourdement bitcoin, de règlementer le marché, d’interdire ou pourquoi pas de pénaliser la détention de bitcoins. Le plus probable c’est qu’il redescendrait à des niveaux de quelques milliers d’euros mais pas en dessous, niveau suffisant pour garder un niveau de sécurité suffisamment élevé contre les attaques 51% à priori, si le matériel déconnecté à cause d’une chute de la rentabilité n’est pas « racheté » opiniâtrement par un Etat. Le fond de commerce de Bitcoin, c’est la perte de confiance de certaines personnes (et mêmes entreprises ou institutions) vis-à-vis de la politique monétaire (du dollar notamment). Nous pouvons donc supposer, que même dans le pire scénario – pénalisation de la détention du bitcoin – qu’il y ait des gens (les personnes les plus politisées, les plus libertaires, les plus libéraux, les collapsogues, les survivalistes, et même après tout le bon père de famille qui veut s’exposer de manière convexe à un risque d’évènement rare « au cas où » pour devenir plus « anti-fragile »,…) qui ne souhaitent pas se déposséder de tous leurs bitcoins. Surtout que la détention est très discrète, et que si vous êtes pris la main dans votre « wallet » vous pourrez toujours vous défendre en prétextant que vous avez perdu les clés privées de la crypto bitcoin.
Cette « analyse de risques » est maintenant terminée. Il y’en a d’autres (centralisation des Exchanges,…). Ce sont les risques avec les vraisemblances et les impacts les plus significatifs.
La réglementation juridique (mondiale) devrait encore prendre du temps, nous pouvons donc pronostiquer que le couple « Bitcoin-bitcoin » est assez robuste pour poursuivre sa quête quasi darwinienne pendant quelques années encore.
Mais de quelle quête parle-t-on justement ? Qu’est-ce que bitcoin ?
Attention, là on rentre sur un terrain sensible.
Les adorateurs du bitcoin (les maximalistes bitcoin) ne s’en cachent pas, certains veulent renverser la table de l’ordre établit et redistribuer les cartes, car ils sont persuadés que le système actuel est très mauvais et que nous courons à notre perte. J’en soupçonne d’autres de vouloir privatiser la confiance issue du réseau Bitcoin afin de s’attribuer une rente conséquente et presque à vie, dans l’hypothèse où bitcoin devait jouer un rôle primordial dans le futur. Ce sont les fameuses « whales » (baleines) qui amassent (certaines très discrètement) des tas de bitcoins et qui ne spéculent pas (hodler long term). Peut-être ont-ils compris avant tout le monde l’avantage qu’ils pourraient en tirer un jour. Cela reste un pari osé et risqué, car personne ne sait dans le monde ce que sera bitcoin demain et après-demain.
Certains considèrent bitcoin comme une monnaie.
Selon Hayek, c’est déjà un type de monnaie.
Certains considèrent bitcoin comme un actif.
bitcoin ne génère pas de cash-flow,
bitcoin est très volatile,
bitcoin ne montre pas de preuve de couverture certaine à l’inflation,
Donc ce n’est pas un actif.
Certains considèrent bitcoin comme une valeur refuge.
Ce point est beaucoup plus complexe. Nous manquons de recul pour valider cette propriété. Il faut attendre la prochaine crise financière ou monétaire pour être fixé. La dernière crise financière remontant à 2008, nous ne savons pas trop où les financiers du monde entier commenceraient à placer leur surplus d’argent (ou réorienteraient leurs placements) en cas de signaux tangibles de crise économique à venir. C’est d’autant plus compliqué, que les financiers du monde entier (sauf de très rares exceptions) semblent avoir beaucoup de difficulté à anticiper les crises, cela voudrait dire que bitcoin ne pourrait être reconnu et qualifié internationalement de valeur refuge qu’après le retour d’expérience de la prochaine crise. Souvent ce sont les premiers surpris lorsque la crise (le crack) surgit de presque nulle part. Ce qu’on peut dire c’est qu’il semblerait qu’il n’y ait pas de consensus mondial sur le fait que bitcoin soit une valeur refuge à ce jour. Une valeur refuge n’est utilisée que temporairement le temps de laisser la tempête passer. L’or a une capitalisation 10 fois supérieure au bitcoin. Le jour où bitcoin sera vu comme une valeur refuge (car c’est ça dont il est une question, pour être une valeur refuge il faut que ce sentiment soit partagé par un grand nombre), il est possible qu’il vienne davantage grappiller le marché de l’or même hors période de crise.
Une fois que nous avons fait le tour de ce que n’est pas bitcoin aujourd’hui, il ne reste plus grand-chose.
Je répète, ce n’est pas une devise, ce n’est pas un actif, ce n’est pas encore une valeur reconnue comme faisant fonction de refuge. Ce sont des avis très personnels, qui n’engagent que moi bien sûr.
Les principaux atouts de bitcoin (coût de production, émission limitée, facilement échangeable, sécurisé,…), et ses principales faiblesses (volatilité, limité, peu évolutif, pas performant, spéculatif, complexité des clés privées, consommation d’énergie gigantesque,…), me laissent penser que bitcoin (dans son format actuel), ne sera pas la devise pour acheter votre pain dans le futur. Et ce même avec Lightning Network.
Plus tard, je vous invite à vous faire votre propre avis. Si je peux juste donner un conseil, c’est qu’il faille essayer de comprendre l’entièreté du phénomène avant de se prononcer. Toute la complexité c’est que les limites de cette « entièreté » sont encore floues. Il n’y a pas un abécédaire du bitcoin. Vous pouvez chercher il n’y a pas non plus « un manuel de la pensée » à acheter quelque part (ou alors c’est une arnaque). Le seul moyen c’est de gratter, d’être curieux, de s’intéresser à la technique, à l’économie, à l’histoire de la monnaie, puis de débattre avec des pro, des anti ou des laïcs (le bitcoin peut être une religion). Vous constaterez très vite, que c’est beaucoup plus compliqué que les principaux débats actuels (monnaies/pas monnaies, actif spéculatif, arnaque, schéma de Ponzi, consommation d’énergie,…). En fait, très souvent toutes les critiques (pro ou anti) sont exactes, car c’est souvent du bon sens. Le souci c’est qu’au lieu de trouver une fonction de bitcoin qui puisse faire consensus à toutes ces critiques de bon sens, chaque camp s’enferme dans ses critiques et dans ses justifications. Et, le débat n’avance plus, il tourne en rond ou en « coin ». C’est parce que c’est nouveau (et peut-être inabouti) qu’il n’y a pas encore de consensus facile sur bitcoin. C’est très difficile de faire la part des choses dans le brouhaha ambiant. Il faut arriver à distinguer le signal du bruit. C’est la rançon du « succès » du bitcoin. En général, on périclite dans l’anonymat.
Avec bitcoin, c’est simple de se positionner et d’être éventuellement récompensé si vous avez été visionnaire…en achetant ou non du bitcoin tout simplement. Cela peut-être la stratégie du moindre effort, même si vous êtes convaincu de la pertinence du projet à long terme, et de ses chances de succès, vous pourriez attendre d’avoir la réponse par les événements, sans bruler de l’énergie à essayer de convaincre les réfractaires, surtout que bitcoin brûle déjà pas mal d’énergie.
Dans l’innovation, le juge de paix c’est le Temps.
Si vous ne voulez pas rester sans rien faire, concernant bitcoin (et seulement lui), je vois un danger. Je l’ai un peu évoqué rapidement toute à l’heure. Ce sont les « whales » qui amassent des bitcoins. Certaines ne font pas ça « que » pour la plus-value hypothétique. Personnellement, je le vois plus dans une stratégie de « rente » (style seigneuriage comme autrefois). Imaginez un monde (très hypothétique et très lointain), où bitcoin (l’unité de base) n’est pas une monnaie mais une sorte d’« étalon monétaire » via lequel des monnaies numériques (ou même pourquoi pas une monnaie « bitcoin », mais il faudrait un autre nom pour la couche monétaire, dans ce cas), seraient adossées. Dans ce monde fiction, bitcoin serait la réserve de confiance digitalisée ultime. Cette réserve n’étant pas vraiment une monnaie, elle serait très peu échangée, et comme elle octroierait des privilèges économiques très forts, les détenteurs ne s’en sépareraient pas. Peu de personnes auraient les moyens d’en acheter de toute façon, car chaque bitcoin aurait une très grande valeur économique et la rente liée à leur simple détention serait suffisante à leur garantir un train de vie confortable sans rien faire. Au fur et à mesure que le réseau Bitcoin deviendrait incontournable, et aspirerait la valeur économique du monde réel via la DeFi, et l’ensemble de ce nouvel univers de la valeur, le pouvoir des gros détenteurs en Bitcoin se renforcerait. Et comme l’économie toute entière serait étroitement liée à cet univers digital, nous serions tous collectivement, contraint d’accepter ce nouveau despotisme économique. C’est comme si à l’époque du régime étalon-or ou plus récemment du régime étalon change-or, quelques personnes privées avaient eu une très grosse partie des réserves mondiales d’or, en lieu et place des banques centrales, et décidaient de la politique d’émission de la monnaie fiduciaire. Le digital permet ce genre d’hyper concentration des richesses. Dans un scénario où bitcoin prendrait beaucoup d’importance, il y a une probabilité, pour qu’il y ait un mécanisme de concentration et ce n’est pas certain malheureusement que cette hyper concentration freine son ascension en tant que fonction ultime de réserve. Néanmoins, peut-être que les avantages dépasseraient largement les inconvénients d’un tel système. Nous acceptons beaucoup de choses dans le système monétaire actuel (explosion des inégalités, crises, domination du dollar), et dans le monde numérique (vol des données, hyper-concentration des acteurs,…), alors pourquoi pas une privatisation des banques centrales.
L’idée c’était de montrer ici que bitcoin peut être utilisé pour le pire et le meilleur, c’est la fonction octroyée collectivement, politiquement, ou via le marché libre (insidieusement), qui fera éventuellement sa nature bonne ou mauvaise.
Il est temps de proposer ma définition laïque et actuelle de bitcoin :
« Bitcoin est une marchandise synthétique limitée (qu’on peut qualifier de monnaie), avec un coût de production, dont tout le stock qui sera émis est connu, qui s'échange sans tiers de confiance depuis maintenant 12 ans, et qui commence à être reconnu comme digne de confiance pour échanger et stocker de la valeur dans le temps et dans l’espace (dont l’espace digital)».
Cette qualification en tant que marchandise aurait certainement plu à Ludwig Von Mises (cf. théorème de régression).
Après éventuellement quelques adaptations, « l'écosystème Bitcoin » (par « écosystème » j’entends toutes les « couches protocolaires » liées à Bitcoin, dont la couche à base métallique bitcoin) pourrait très bien se comporter en « monnaies-marchandise » type pièces métalliques frappées dans un métal précieux (bitcoin).
L’unité bitcoin ne serait donc pas la monnaie, mais le métal précieux (« crypto-metal ») dont pourrait être faite la monnaie de l’écosystème Bitcoin.
C’est une solution intéressante, mais ce n’est pas encore LA fonction pour Bitcoin-bitcoin qui a ma préférence, et qui est la plus probable.
Si on se tient au domaine de la « non-connaissance » nous pouvons affirmer que bitcoin ne ressemble pas à de la monnaie fiduciaire, à de la monnaie scripturale ou à de la monnaie fiat, car cela nécessiterait une autorité centrale. bitcoin s’échange actuellement un peu comme un métal que nous admettons (presque) collectivement qu’il est extrêmement rare, grâce au code informatique, au type de gouvernance, ainsi qu’à la puissante sécurité qui protège ce code. Ce métal s’échange et prend de la valeur car nous avons à faire à un nouveau type de confiance. Une confiance beaucoup plus objective que la confiance vis-à-vis des monnaies fiat ou fiduciaire. Cette confiance « mathématiques » ne laisse aucune place au doute sur le caractère limité de son émission, de la pleine propriété des détenteurs des clés privées, et sur le caractère durable des règles qui régissent l’ensemble. Changer les règles de fonctionnement de Bitcoin, est suffisamment difficile et long, pour que ça démotive les envies de modifications sans grosse valeur ajoutée ou au contraire les plus profondes (ex : augmentation de la taille des blocs). Bitcoin se veut le moins volatile possible dans son fonctionnement, afin d’offrir une stabilité à toutes épreuves dans le Temps. Nous cernons bien que son objectif est ambitieux, qu’il y a une vraie une hauteur de vue, et que certains paramètres n’ont pas été « tuned » au hasard ou à la légère. Bitcoin s’inspire grandement de l’histoire de la monnaie et des retours d’expérience des politiques monétaires.
De tous les paramètres du protocole Bitcoin (hors paramètres ou architecture de sécurité), celui qui est la clé pour faire des hypothèses sur son utilité future, c’est la limitation du nombre de bitcoins à 21 000 000 d’unités. Rien n’oblige à suivre l’esprit originel de son créateur certes, et bien sûr je peux aussi me tromper sur l’interprétation de ses prétendus souhaits. A cause de cette limitation, beaucoup y voit une monnaie déflationniste et donc une promesse d’économie déflationniste (dans la tendance « décroissante »). Je ne dis pas que c’est une ineptie, je pense juste qu’il faille remettre bitcoin dans son contexte de l’époque. Bitcoin a été créé pendant la crise de 2007-2008. Je suis persuadé que cette limitation c’est ce qui fait que l’unité bitcoin ne devrait pas être vue comme une simple monnaie courante de masse pour faire des achats. Cette limitation empêchera in fine l’unité bitcoin de devenir une devise pour faire des achats courants. Faites bien la distinction, je parle bien de « l’unité bitcoin ». Une « couche monétaire » bitcoin (au-dessus de l’unité bitcoin) inflationniste est techniquement envisageable. Cette limitation à 21 000 000 de bitcoin (2100 000 000 000 000 de satoshis) me semble comporter un autre indice, c’est la valeur peu ou prou de toutes les liquidités du monde vers 2008.
Si le destin souhaité pour l’unité bitcoin était de devenir l’unique monnaie « brute » (sans couche monétaire) du monde entier, il aurait prévu une marge pour absorber un peu de richesse en plus, ne serait-ce que pour donner une chance aux pays pauvres de vivre décemment. Bitcoin est un projet altruiste. Si vous l’utilisez en tant que simple monnaie, ça ne sera plus le cas. Troisième « indice », le coût de production lié à l’utilisation gigantesque d’énergie électrique dans le processus de minage, associé à la limitation, fait du bitcoin une marchandise extrêmement « précieuse ». Destiner cette « marchandise précieuse » à la « monnaie courante » c’est une gageure. Je rappelle qu’il n’existe aucun recours pour récupérer la propriété de vos bitcoins sur le registre distribué si vous perdez vos clés privées ou le système de recovery mnémotechnique (24 mots).
« EMISSION TRES LIMITEE » + « COUT DE PRODUCTION TRES ELEVE » = NOT GOOD CURRENCY
C’est comme si le réseau Bitcoin, était dans un processus temporaire de création de confiance digitale, et qu’il emmagasinait cette confiance dans des petites unités bitcoin. C’est comme si ces petites unités bitcoin allait se comporter comme le gage ultime, ou le témoin d’une confiance passée (via la dépense d’énergie colossale déployée), que nous pourrions utiliser comme « réserve de confiance ultime » (quelque chose que personne ne pourrait réfuter, une confiance objective qui mettrait tout le monde d’accord), pour faire fonctionner un réseau de la valeur. Cette « réserve de confiance » diffuserait (sans forcément changer de propriétaire) de la « confiance », et ferait fonctionner le réseau tout entier. Un réseau de la valeur avec seulement des blockchains et sans bitcoin pourrait très bien fonctionner, mais la confiance dans la majorité de la valeur qui circulerait sur ce réseau serait uniquement liée à l’émetteur de la monnaie numérique. C’est l’énorme puissance de calcul pour générer les bitcoins, et sécuriser la chaine Bitcoin, qui fait de « Bitcoin-bitcoin » une blockchain et une unité spéciale, unique et très difficilement reproductible. Grâce à cette « puissance de calcul » passée, présente et sans doute future, Bitcoin est une blockchain unique et donc une valeur unique.
Vous pourriez essayer de mélanger mille fois les ingrédients que vous pensez être ceux de la recette Bitcoin dans un tube à essai cryptomonnaie, vous n’obtiendrez jamais le même résultat. Pour faire une métaphore un peu grandiloquente, c’est un peu comme l’apparition de la vie sur la Terre. Encore aujourd’hui, nous ne connaissons pas tous les critères pour que la vie apparaisse. On connait les éléments indispensables comme l’eau ou la lumière, mais nous ne sommes pas certains des écarts de température qui autorisent l’apparition de la vie, ou des autres composés chimique élémentaires obligatoires, ou de la dose minimale ou maximale de rayonnement solaire, ou de la pression optimale de l’atmosphère, ou encore du niveau gravité, et enfin de la part de hasard. C’est pareil pour Bitcoin, on sait qu’il y a des chaines, des blocs, un peu de structure à base de cryptographie (ex : arbre de Merkle), beaucoup de décentralisation, beaucoup de réplication, et pour terminer du consensus. Mais si la recette semble avoir plutôt bien fonctionnée pour l’instant, c’est peut-être à cause du caractère rare et limité de l’unité émise bitcoin, c’est peut-être à cause du consensus Proof of Work qui génère un coût de production élevé, c’est peut-être à cause de la taille des blocs, c’est peut-être à cause de l’adaptation du niveau de difficulté, c’est peut-être parce que son créateur est anonyme, c’est peut-être à cause du démarrage timide sans marketing via une communauté de développeurs passionnés et sans arrières pensées monnayables. Bref, nous ne savons pas, et nous ne saurons jamais.
Bitcoin est une blockchain
Bitcoin n’est pas qu’une chaîne de blocs
Une blockchain n’est pas Bitcoin
Une blockchain est une blockchain parmi des blockchains
La blockchain est seulement un des ingrédients de Bitcoin
Bitcoin est Bitcoin
Bitcoin est unique
Comme moi je suis moi, et vous vous êtes-vous
Donc à partir de ces postulats, je peux en déduire, que les personnes qui disent « blockchain not Bitcoin », ne goûtent pas à la recette Bitcoin, à base de l’ingrédient blockchain, mais qu’ils aiment l’ingrédient blockchain.
Je pense que ça sous-entend aussi qu’ils sont d’accord pour un réseau de la valeur mais ils veulent uniquement l’infrastructure technique décentralisée avec une minimisation de la confiance minimale pour garantir un niveau de fonctionnement adéquat de ce réseau, sans injecter une monnaie libre qui deviendrait l’Alpha et l’Omega, de ce réseau de la valeur.
Tout cela défend.
Il faut juste savoir qu’un réseau de la valeur sans Bitcoin, et sans refonte de la politique monétaire internationale, aura les mêmes caractéristiques que le monde actuel. Il s’agirait un peu comme d’un passage de l’analogique au numérique pour le téléphone. Il s’agirait d’une nouvelle infrastructure technique pour stocker, transférer, proposer des services à base de MNBC. Pour le consommateur, ça se traduirait par de nombreuses améliorations (vitesse et coût des virements nationaux ou transfrontaliers, possibilité d’ouvrir une adresse MNBC auprès de la banque centrale pour recevoir de la monnaie gratuitement, traçabilité de l’utilisation du budget de l’état,…). Mais finalement, le gros de la vague de changements serait pour les DSI du monde entier, et surtout dans le secteur de la finance, des prestataires de paiements, de la banque et de l’assurance. L’utilisation sous-jacente de la blockchain serait masquée. Il s’agirait moins d’une révolution monétaire, politique et sociale qu’une transformation technique transparente en back-office.
(LES PIRES) PERSPECTIVES* ECONOMIQUES ET GEOPOLITIQUES
*c’est-à-dire beaucoup de science-fiction et donc des choses qui se révèleront fausses (heureusement !). Tenter de prévoir le pire c’est de la gestion du risque.
Pour extrapoler sur l’avenir plus ou moins lointain de bitcoin, il y a énormément de paramètres géopolitiques, économiques et financier à prendre en compte. Et ce à des niveaux nationaux et supranationaux. Depuis le déclin de la Grande-Bretagne et de la livre Sterling, les Etats-Unis règnent sans partage sur le monde, soit depuis environ 65 ans. Le dollar est le « privilège exorbitant » des Etats-Unis selon la formule consacrée. Mais de nombreux indices prouvent que les Etats-Unis sont à la croisée des chemins. La balance des paiements courants est régulièrement déficitaire. Des pays émergents, dont la Chine en premier lieu, commencent à contester leur domination économique. La dette souveraine des Etats-Unis est à un niveau très important. L’instabilité du capitalisme (crises de 2000 et 2008) est un symptôme d’une exubérance irrationnelle du secteur financier américain, qui s’est répandu sur toute la planète finance. Les ventes pétrolières mondiales se font en dollar. Le pétrole est une énergie fossile qui émet beaucoup carbone, son utilisation devrait logiquement fortement se réduire. La Chine achète beaucoup de dettes américaines afin que le Yuan ne s’apprécie pas trop. Un Yuan sous-évalué permet de maintenir des exportations à un haut niveau. Mais la Chine va sans doute passer d’un modèle économique basé fortement sur les exportations à un modèle économique plus équilibré, au fur et à mesure de l’augmentation de la consommation sur son marché intérieur, de l’élévation du niveau de vie des chinois, de l’accroissement des importations et du ralentissement des exportations (les pays occidentaux commencent à relocaliser leurs économies). Un jour la Chine aura donc moins d’intérêt à « maintenir » le Yuan sous-évalué, et à « subventionner » la dette américaine afin qu’ils consomment les produits chinois. A fortiori, si la guerre commerciale entre les deux pays continue à s’intensifier (protectionnisme américain, taxes douanières). Sous tous ces effets combinés, la domination du dollar américain devrait continuer à décliner.
Suite à l’expansion monétaire très forte du dollar pendant la pandémie covid-19, les Etats-Unis pourraient être tenté de monétiser la dette (dévaluer le dollar), surtout que les Etats-Unis ne subissent pas directement cette dépréciation. Les assouplissements quantitatifs sont déjà un début de monétisation de la dette.
La question, n’est plus vraiment de savoir si le dollar va décliner, mais plutôt à quelle vitesse ?
La Chine n’a aucun intérêt aujourd’hui à « lâcher » le dollar. Son marché intérieur n’est pas assez mature, et socialement ça serait trop risqué. La Chine a bien sûr des velléités à contester la domination américaine un jour pour devenir la première puissance mondiale. Mais leur démographie, oblige le « gouvernement » chinois à être extrêmement prudent. Donc, le bénéfice/risque pour la Chine reste aujourd’hui en faveur du dollar. Il ne faudrait quand même pas que les Etats-Unis pêchent par arrogance. « L’équilibre de la terreur » entre les deux pays pourrait voler en éclats, si une limite était franchie. Je ne crois pas que les Etats-Unis franchissent le Rubicon, car ils savent qu’ils vivent au-dessus de leurs moyens, grâce notamment à la Chine. Donc je ne crois pas que l’étincelle qui ferait décliner brutalement le dollar vienne de la Chine. Je crois que la Chine est sûre de sa force. La Chine sait que son heure arrivera. La Chine sait qu’elle doit prendre son temps car une gouvernance autoritaire doit constamment composer avec le risque d’un soulèvement de son peuple. Tant que les chinois constateront que leur gouvernement obtient des résultats économiques et une élévation du niveau vie intergénérationnel, les chinois devraient suivre. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, même une fois consacré première puissance mondiale dans quelques années, il est tout à fait possible que la Chine ne souhaite pas que le Yuan devienne la monnaie internationale. La Chine ne reconduira peut-être pas le même pêché monétaire que les Etats-Unis. Je pense qu’ils ont fait l’intelligent constat que ce système est beaucoup trop instable. Avec une population de 1,4 milliards, la priorité de la Chine est la stabilité économique. Cette instabilité est globalement liée au fait que la monnaie internationale soit également une monnaie nationale (dilemme de Triffin), et que les Etats-Unis ne suivent plus volontairement une politique monétariste (l'indicateur M3 n'est plus pris en compte dans la politique de la FED depuis les années 90s).
La fin de l’utilisation massive du pétrole dans le monde, pourrait être un point de bascule. Cette fin « programmée » aura sans doute lieu progressivement, donc sans autre facteur majeur, le dollar pourrait décliner progressivement, comme la Livre Sterling à son époque.
Un facteur majeur pourrait faire décliner brutalement le dollar, il s’agit des Etats-Unis eux-mêmes. S’ils continuent à s’obstiner sur la voie des réductions d’impôts massives et de l’hyper expansion monétaire, l’endettement pourrait devenir insoutenable, même pour la première puissance mondiale. Les Etats-Unis ont beaucoup de ressources, s’ils le décident ils peuvent mettre en œuvre un plan de désendettement efficace avant que la confiance dans le dollar baisse trop.
Tant que la dépréciation du dollar n’atteint pas un point de bascule, bitcoin restera qu’une monnaie mineure alternative, et la refonte du système monétaire international ne sera pas à l’ordre du jour des réunions du G7 ou du G20.
Dans un scénario catastrophe « déclin rapide du dollar », nous assisterions à la plus grosse crise financière puis économique depuis plusieurs siècles sans aucun doute. L’abondance du dollar a d’abord généré la crise de 2000 via le marché des actions technologiques. L’abondance du dollar a ensuite généré la crise de 2008 via le marché immobilier.
Où la prochaine bulle est en train de se former ? Vous pouvez être sûr qu’avec la politique monétaire expansionniste menée depuis 2008, et le coup d’accélérateur en 2020, il y a une bulle qui est en train de se former quelque part. Tout ce flot de liquidités doit bien être investi quelque part. Sans doute un peu dans les actions, sans doute un peu dans l’immobilier, mais ce sont devenus des marchés trop voyant pour des nouveaux produits financiers risqués. Personnellement, je pense qu’il y a peut-être un flot de liquidités dans les produits dérivés des matières premières. Ces liquidités entrainent des augmentations de prix de certaines matières premières. Logiquement, si certaines matières premières augmentent beaucoup, certains investissements massifs sont actuellement fléchés vers l’appareil productif de ces matières premières, ce qui créé une mauvaise allocation de la production, car la demande n’est pas réelle. C’est ce qu’on appelle le « mal-investissement ». C’est lié à cette abondance de liquidités, et à la bulle des prix qu’elle engendre. Comme le dollar s’est déprécié, les investisseurs fuient le dollar et placent leur argent dans des produits dérivés de matières premières (entre autres. Notamment les fonds de pension américain) pour se couvrir fasse à l’inflation. Ces produits dérivés agissent comme des « monnaies » synthétiques. Lorsque la FED commencera à refermer les robinets des liquidités, les prix de ces mêmes matières premières pourraient redescendre. L’appareil productif mondial artificiellement gonflé, se retrouverait alors en surcapacité. Il y aurait des licenciements, des faillites et donc des emprunts qui ne pourraient pas être remboursés. A ce moment-là, nous aurions peut-être l’étincelle qui occasionnera une nouvelle crise.
Ce petit scénario imaginé rapidement, c’est juste pour vous montrer, qu’avec les politiques monétaires actuelles, les crises sont inévitables et cycliques (inflation/récession), et peut-être qu’un jour il y aura une crise un peu plus grosse que les autres, et que la confiance dans le dollar pourrait chuter.
Que se passerait-il dans un mouvement de panique mondial si le dollar venait à baisser fortement par rapport aux autres devises ? Tout d’abord, contrairement aux crises précédentes, la Réserve Fédérale ne serait d’aucun secours cette fois-ci. Nous ferions face à des insolvabilités et des faillites de beaucoup d’agents économiques. La zone euro serait elle aussi très fortement impactée car nos banques sont fortement liés à l’économie mondiale et donc au dollar. Les pays européens ne seraient pas à l’abri car ils sont aussi fortement endettés (sauf peut-être les pays du Nord). Dans un tel contexte de panique généralisée, le métal jaune tirerait sans doute son épingle du jeu, mais seulement marginalement, car il faut du temps pour s’en procurer (l’or-papier ne serait pas sécurisant), il est difficile à stocker, sa quantité est minime et il est peu pratique à l’usage. L’or est devenu une « relique barbare » dans un monde économique mondialisé, numérisé et donc ultra connecté. Si la zone euro n’a pas résisté au choc de l’effondrement du dollar, il resterait la Livre, le Franc Suisse, le Yen et bien sûr le Yuan. La Grande-Bretagne devrait souffrir d’un effondrement du dollar, car Londres est encore aujourd’hui un des principaux centres financiers du monde. En plus, son économie paraît trop petite et déclinante pour prétendre devenir la nouvelle monnaie refuge (même temporairement). La Suisse serait peut-être moins impactée par la crise systémique mondiale car les banques ont des fonds propres plus importants, mais comme la Grande-Bretagne, le défaut c’est la taille de son économie. Le Japon souffre de problèmes structurels nombreux (dette, vieillissement de sa population, croissance faible, économie sclérosée), cela devrait agir comme un repoussoir. Reste la Chine bien sûr et le Yuan, qui semble être le candidat le plus sérieux, bien que ce pays soit le premier débiteur de la dette américaine et que ses exportations dépendent pour l’essentiel de la bonne santé économique des Etats-Unis. La Chine traverserait sans doute une récession économique grave, mais les fondamentaux (endettement, taille de l’économie, dynamique de son économie,…) resteraient mieux orientés que les autres grandes puissances. Un déclin brutal du dollar pourrait donc consacrer le Yuan en tant que monnaie « refuge » internationale le temps de la crise. Il n’est pas du tout évident que la Chine voit d’un bon œil le Yuan s’apprécier aussi vite et aussi fort. Cette nouvelle fonction de monnaie internationale pour le Yuan n’était pas dans leurs plans. Et la Chine, ce sont des plans sur 30 ans. On peut donc imaginer qu’une fois la crise économique passée, avec son lot de changements dans les rapports de forces internationaux, la Chine convoquerait une conférence internationale pour rebâtir une politique monétaire mondiale, qui permettrait de libérer le Yuan de cette nouvelle fonction de monnaie « forte ». Sans quoi son appareil productif national peinerait à exporter dans le monde entier, et ce sont des millions de chinois qui se retrouveraient sans emploi. Pour un gouvernement autoritaire c’est la pire des choses qui puissent arriver.
Le but de ce déroulement fiction n’était pas de prévoir l’avenir, il y a beaucoup trop de paramètres et d’inconnus. Prévoir de tels événements avec exactitudes est impossible. Si ce scénario précis est sans doute faux à 99%, un scénario « déclin rapide du dollar » n’est pas quelque chose de totalement ridicule et impossible, car chaque jour qui passe la politique monétaire de la FED augmente un peu la probabilité, et le secteur financier fait des investissements hautement risqués avec cet abondance d’argent.
Nous avons évoqué précédemment les applications majeures de la blockchain que sont les transformations IT du secteur bancaire traditionnel, les monnaies numériques de banques centrales, et la finance décentralisée, puis la proposition de valeur du réseau Bitcoin et enfin le déclin du dollar. Maintenant, je vous propose que nous prenions en compte tous ces bouleversements technologiques, monétaires et géopolitiques, et que nous allions nous assoir à la table de cette conférence (imaginaire) des principales nations du monde post-crise, pour bâtir le nouveau système monétaire international. C’est la dernière partie.
EST-CE QUE L’EMERGENCE D’UN NOUVEAU SYSTEME MONETAIRE EST PLAUSIBLE ?
SI OUI, QUELS SONT LES CANDIDATS ?
Problématique : comment créer un système qui fournisse le cadre monétaire nécessaire à une économie stable de libre entreprise ?
Dans un premier temps, j’ai identifié 10 règles :
Il faut un système robuste contre les manipulations, les tentations et l’irresponsabilité
Il faut un système auditable pour éviter les effets de panique
Il faut un système anti-fragile en cas de faillite
Il faut un système capable de croître avec la vraie production de richesse
Il faut un système compatible avec l’espace numérique
Il faut un système neutre pour qu’une majorité de pays l’accepte
Il faut un système qui ne créé pas de doubles pyramides de crédits
Il faut un système sans prêteur en dernier ressort pour responsabiliser les émetteurs de monnaies
Il faut un système stable : pas déflationniste, pas inflationniste, pas d’inflations sectorielles
Il faut un système qui oriente les gouvernements vers l’équilibre budgétaire
Le postulat le plus fort c’est qu’il est contre-indiqué que des gouvernements puissent intervenir dans le fonctionnement d’une monnaie.
Dans un deuxième temps, j’ai dressé une liste de systèmes monétaires potentiels et plausibles (toujours dans un contexte où le dollar aurait quasiment disparu progressivement ou brutalement pour les raisons évoquées plus haut) :
Etalon-or (véritable ou pseudo étalon-or soutenu via un prix fixé)
Etalon change-or avec une monnaie internationale
Etalon bitcoin
Etalon change-bitcoin avec une monnaie internationale
bitcoin monnaie internationale (déflationniste)
Ecosystème « Bitcoin » avec base métallique bitcoin et couche monétaire bitcoin inflationniste automatique (3-5% de monnaie en plus chaque année par exemple)
Monnaie numérique internationale (émise par le FMI par exemple)
Yuan numérique
Abolition du monopole monétaire étatique et profusion de monnaies privées émises par des banques commerciales (ou d’autres acteurs) dans un marché libre et concurrentiel
Si j’applique mon filtre des 10 règles sur ma liste de systèmes monétaires, j’élimine :
L’étalon-or à cause des points 1/2/4/6
L’étalon change-or avec une monnaie internationale à cause des points 1/2/4/6
L’étalon bitcoin à cause des points 4/9
L’étalon change-bitcoin avec une monnaie internationale à cause des points 4/9
bitcoin monnaie internationale à cause des points 4/9
Monnaie internationale émise par le FMI à cause des points 1/2/3/8/9/10
Yuan numérique à cause des points 1/2/3/6/7/8/9
Je fais le dur constat que tous les étalons-marchandises dans l’histoire ont fini par devenir des étalons-mixtes dévoyés. Un ancrage de ce type est trop exposé à la fraude. Il n’y aurait de toute façon pas suffisamment d’or pour un étalon-or généralisé. Dans ces conditions, le retour à un étalon-or (véritable ou juste en tant que « soutien ») n’est ni envisageable, ni souhaitable. Ma conclusion c’est qu’il faille un système monétaire immuable ou un système concurrentiel (y compris sur un territoire national).
Contrairement à une tendance bien ancrée sur internet, je ne crois pas non plus que le salut du système monétaire (et de la lutte contre le réchauffement climatique) passera par une monnaie déflationniste. L’Histoire a suffisamment démontré qu’une économie déflationniste ne peut-être que néfaste, voire dangereuse (chômage, conflits sociaux, guerres). J’ai bien essayé de me convaincre du contraire, notamment en lisant le livre de Jeff Booth, mais je crois que c’est davantage un système proposé par opportunité qui fait une jonction habile mais bancale entre décroissance et bitcoin déflationniste. Je ne crois pas que cette utopie soit la réponse à tous nos problèmes. Proposer un projet régressif à l’espèce Humaine – même s’il est peut-être valable en théorie pour baisser drastiquement les émissions de carbone – ne pourra être qu’un projet marginalisé qui n’attirera pas une majorité.
Après avoir retourné la problématique dans tous les sens, je n’entrevois à ce stade que deux systèmes monétaires qui fonctionneraient peut-être mieux que l’existant, et qui sont conformes avec les trajectoires observées dans l’économie, la géopolitique, et les innovations technologiques :
1. « Ecosystème Bitcoin » avec une base métallique (unité bitcoin connue aujourd’hui) + adjonction d’une couche monétaire (nouvelle unité bitcoin à nommer) avec une masse monétaire qui augmenterait automatiquement de manière immuable (3-5% par an à déterminer et à fixer dans le code). Les unités bitcoin devraient être « wrapped » ou « stacked » durant de longues périodes pour émettre cette nouvelle monnaie. L’inflation monétaire serait distribuée de manière lissée toute l’année via des « air drop » (monnaie hélicoptère) aux détenteurs de l’unité bitcoin sous-jacente.
2. Profusion de monnaies privées (banques commerciales, GAFA,…) basées par exemple sur le prix des matières premières, dans un marché libre concurrentiel, et des taux de change flottants. Avec ou sans bitcoin, mais plutôt avec bitcoin dans une utilisation différente des monnaies numériques privées.
Le système monétaire numéro 1 pourrait être qualifié de « système Friedmanien ».
Le système monétaire numéro 2 pourrait être qualifié de « système Hayékien ». J’y vois aussi une influence de la pensée d’Adam Smith avec son concept de « main invisible ».
Notre système monétaire actuel pourrait être qualifié de « système Keynésien ».
Les monétaristes dûment s’incliner devant la toute-puissance de la pensée Keynes et l’économie planifiée, car les politiques de tout bord y ont vu un moyen efficace et facile de desserrer l’étau monétaire pendant des décennies. Milton Friedman était un économiste américain défenseur du libéralisme courant monétariste.
Friedrich Hayek était un économiste d’origine autrichienne lui aussi défenseur du libéralisme. Tous les deux ont été nobélisés en économie au XXième siècle. Tous les deux étaient opposés aux idées de Keynes, et donc à l’expansion monétaire qui selon eux était la cause de beaucoup de problèmes économiques. Ils faisaient le même constat des causes, mais ils n’avaient pas la même solution.
Pour résumer, Friedman pensait qu’il fallait une monnaie avec une inflation monétaire (quantité de monnaie) automatique régit par la loi.
Hayek, avait un concept bien plus révolutionnaire pour l’époque (et encore aujourd’hui), mais un peu difficile à mettre en œuvre avec les technologies du XXième siècle. Hayek voulait privatiser l’émission de la monnaie. Il voulait un marché concurrentiel de monnaies privées sans limite d’émission (dans la loi) pour chaque monnaie. Les taux de changes flottants se chargeant de l’équilibre du marché. Ces monnaies seraient émises par des banques commerciales. Ces institutions privées seraient fortement incitées à tout faire pour garder leurs monnaies privées stables afin qu’un maximum d’agents économiques l’utilisent. Si une banque émettrice faisait faillite, elle ne serait pas sauvée car il n’y aurait plus de prêteur en dernier ressort, ce qui réduirait considérablement l’aléa moral. Les banques centrales pourraient éventuellement continuer à émettre des devises, mais elles seraient en concurrence avec les monnaies privées ce qui les obligerait à revoir leur politique monétaire. Les salariés choisiraient dans quelle monnaie privée ils souhaiteraient être payés.Les consommateurs choisiraient dans quelle monnaie ils souhaiteraient faire leur course. Les banques évolueraient vers le modèle « banque 100% réserve » et ne feraient que des crédits à court terme. Chaque banque commerciale qui émettrait de la monnaie augmenterait ou diminuerait la quantité de monnaie en circulation pour apprécier ou déprécier sa monnaie en fonction des fluctuations par rapport au prix d’un panier de matières premières. Ce sont les banques qui gèreraient le mieux leur émission de monnaie, c’est à dire qui auraient les monnaies les plus stables dans le temps, qui seraient favorisées par les agents économiques (entreprises et particuliers). Les mauvaises monnaies disparaitraient par manque de clients. La quantité de monnaies agrégées (toutes les monnaies en circulation) se stabiliserait toute seule via le marché libre. Selon Hayek, seul le marché est apte à découvrir progressivement la quantité optimale de monnaies en circulation. C’est l’appât du gain qui inciterait les banques commerciales à garder chacune de leurs monnaies stables.
La solution numéro 1 (système Friedmanien via un écosystème Bitcoin inflationniste) bien qu’originale et plutôt simple à mettre en œuvre, est extrêmement « rigide » et par conséquent souffre de gros défauts comparativement à la solution numéro 2 (système Hayékien via une concurrence de marchés numériques privées). Le principal défaut du système friedmanien c’est que la quantité de monnaie créée chaque année doit être obligatoirement fixée une bonne fois pour toute, sinon il y aura toujours un doute que ce taux puisse être changé. Hayek disait qu’il n’aimerait pas voir ce qui arriverait si le besoin nouveau de liquidités ne pouvait pas être satisfait à cause de la limite d’émission annuelle. En effet, cette limite infranchissable (dans le code) pourrait créer une crise de liquidités et donc une panique généralisée. Deuxième écueil, nous pourrions avoir une hypercentralisation des détenteurs de bitcoin à cause de la distribution de monnaies gratuites. Peut-être qu’un autre système (« faucet » mondial,…) est techniquement envisageable. Mon sentiment, c’est que cette solution numéro 1, bien qu’intéressante, ne semble plus adaptée à notre époque moderne avec une économie mondialisée et ultra connectée. A l’inverse, le système Hayékien me paraît étrangement actuel, beaucoup plus prometteur et du coup plausible. Hayek serait très heureux à mon avis de voir l’éclosion des crypto monnaies. Tout ceci n’est pas le fruit du hasard, les pensées et les écrits de Hayek (ou d’autres, du même courant ou affiliés) ont sans doute inspirés le créateur de bitcoin. C’est une prophétie auto-réalisatrice en quelque sorte. La théorie révolutionnaire de Hayek n’attendait plus que l’émergence technologique des blockchain. Je vous propose un extrait de son livre « Pour une vraie concurrence des monnaies » écrit avant l’invention des blockchains :
« Une autre évolution possible serait le remplacement des pièces actuelles par des jetons de plastique ou d’une manière similaire, identifiables pas électronique, que toutes les caisses et les distributeurs automatiques pourraient reconnaître, et dont la « signature » serait légalement protégée, ainsi que tout autre document, contre la contrefaçon. »
Si vous cherchiez qui se cachait derrière Satoshi Nakamoto, ne cherchez plus ! C’est Friedrich Hayek. Bitcoin serait donc le chantre du libéralisme mais celui du XIX ieme siècle pas celui du XX ieme ou du XXI ieme, celui qui préférait la décentralisation à la centralisation, celui qui préférait la dispersion des pouvoirs à la concentration. Un libéralisme plutôt de courant de pensée Hayékien. Au service de la liberté des individus et de la minimisation du rôle de l'état. Hayek disait que la centralisation de l'économie était la route vers la servitude. Très souvent dans les innovations, l’objectif a été théorisé longtemps avant, et c’est quand il y a la technologie, que quelqu’un transforme la théorie en pratique. Le calcul distribué sécurisé a connu des avancées majeures au début des années 2000. Pour des gens qui baignaient dans ces sujets théoriques et techniques, et qui avaient une pensée politique extrêmement libérale, c’était l’évidence même qu’une fois les barrières techniques levées, la première application pratique serait une « monnaie numérique libre ».
J’ai l’impression de voir son concept de concurrence de monnaies privées se former devant mes yeux. J’ai l’impression que demain nous aurons le choix entre une monnaie numérique Crédit Agricole, une monnaie numérique BNP Paribas, une monnaie numérique Société Générale, une monnaie numérique La Banque postale, une monnaie numérique Amazon, une monnaie numérique Facebook, une monnaie numérique Apple, une monnaie numérique Google, une monnaie numérique de banque centrale,…
Vous détiendrez même plusieurs de ces monnaies numériques dans votre smartphone.
Quand vous voudrez ouvrir un compte dans une banque commerciale, vous vous renseignerez d’abord sur internet sur la stabilité (et les services annexes) des différentes monnaies numériques privées, un peu comme vous le faites déjà pour choisir votre assurance habitation ou votre assurance automobile. De nouvelles banques commerciales native crypto émergeront surement. Les magasins accepteront toutes les monnaies reconnues comme étant les plus stables. Les étiquettes de prix dans les magasins afficheraient plusieurs prix en plusieurs unités de compte. Vous pourriez passer d’une monnaie à l’autre d’un seul clic via une application de votre smartphone sans frais. Les états accepteraient le paiement des impôts dans plusieurs monnaies numériques. Les crédits bancaires immobiliers à long terme (25-30 ans) ne seraient plus proposés par les banques commerciales pour trois raisons. La première, car l’émission de nouvelle monnaie serait l’instrument de stabilité de leur monnaie numérique privée par rapport au prix d’un panier de matières premières. Ils ne voudront pas hypothéquer l’avenir en octroyant des prêts trop long car ils auraient moins de marge de manœuvre. La deuxième, car ces prêts seraient essentiellement octroyés sur leurs fonds propres. Ils auront donc moins d’argent à prêter. La troisième, c’est qu’ils prêteront à des taux plus élevés. Les prêteurs ne désireront plus s’endetter sur plusieurs décennies. Ils privilégieront l’épargne. Une des conséquences, c’est que le juste équilibre du marché des liquidités, limitera les effets d’inflations sectorielles. Les prêts seront plus chers et moins long, par conséquent le pouvoir d’achat immobilier moyen sera beaucoup moins important. Il y aurait un rééquilibrage des prix immobiliers via l’ajustement du marché de l’offre et de la demande. Dans ce système, les grandes gagnantes seraient les blockchains.
Qu’adviendrait-il de bitcoin dans un tel système ?
La raison d’exister de bitcoin, c’était le vide laissé par le déclin du modèle précédent. Si nous avons un nouveau système monétaire concurrentiel stable, robuste, et prospère, il y aurait sans doute moins d’incitations à acheter du bitcoin. Dans ce contexte, bitcoin pourrait éventuellement péricliter. Mais il est plus probable que les personnes ayant beaucoup d’épargne préfèrent acheter des bitcoins car il s’agirait de la monnaie la plus sûre de toutes les monnaies numériques privées dans le monde. Seuls les comptes courants seraient dans une unité de compte en monnaie numérique privée émise par chaque banque commerciale. Et, Ethereum pourrait être la blockchain publique mondiale pour faire communiquer l’ensemble des agents économiques. Parmi les milliers de crypto monnaies créés, beaucoup disparaitraient car les startups n’auraient pas les connaissances suffisantes pour maintenir une monnaie numérique stable dans le temps. Il est fort probable que ça soit les GAFA qui émettent les monnaies numériques privées les plus stables car avec les données récupérées partout dans le monde, le big data, et l’intelligence artificielle, ils développeront les meilleurs algorithmes de stabilisation du cours des monnaies. Via leurs cœurs de métiers initiaux, ils auront accès à une large clientèle partout dans le monde, même dans les zones peu bancarisées comme l’Afrique. Très vite il y aurait des consolidations de monnaies numériques pour n’arriver qu’à quelques monnaies numériques privées sur certaines zones géographiques. Beaucoup de banques commerciales qui n’auront pas su se transformer à temps en émettant leurs propres monnaies numériques privées auront disparus. La multiplicité de monnaies numériques, permettra une grande anti-fragilité du système. Ce sont les monnaies les mieux « gérées » qui survivront. Chez les nouveaux émetteurs privés de monnaies il y aura des tricheurs, des échecs involontaires, des faillites, mais avec des conséquences incomparables aux crises systémiques et aux bulles inflationnistes du système monétaire précédent. Les banquiers centraux ne seront plus otages, victimes, coupables car les banques centrales fermeraient le rideau malgré leurs offres de monnaies numériques stables car les émetteurs privés feront des meilleures monnaies. Les Etats devront revenir à une gestion budgétaire équilibrée, sans doute en réduisant leurs dépenses et en augmentant les impôts. Les problèmes de balances de paiement entre les états n’existeraient plus. Alors que dans le monde occidental ce nouveau système monétaire serait plébiscité par les populations, certains pays autoritaires (comme la Chine) continueraient d’avoir qu’une seule monnaie numérique monopolistique émise par la banque centrale du pays en « toute indépendance ». Alors que tout le monde pensait voir la Chine première puissance mondiale pour longtemps, cet isolement monétaire archaïque finirait par freiner son développement économique, et c’est l’Afrique qui deviendrait le nouveau continent en pleine ascension économique grâce à la démocratisation très rapide des monnaies numériques sur le continent. Après une importante récession, l’Europe et surtout les Etats-Unis, connaîtraient une longue période de stabilité et de prospérité, mais sans les excès que nous connaissions dans l’ancien système. Cette stabilité économique, et ce juste équilibre de la masse monétaire en circulation, aura permis de réduire considérablement les mauvais investissements, les spéculations de toutes sortes, et de recentrer les investissements sur des projets de qualités et durables. L’exubérance irrationnelle du secteur financier ne sera plus alimentée par l’hyper expansion monétaire. Les métiers dans la finance et la banque redeviendront des métiers ennuyeux sans prises de risques inconsidérées. Des nouveaux métiers apparaitront. Des métiers autrefois réservés aux banques centrales. Des agences de notations, payées par des associations de consommateurs, auditeront les monnaies numériques privées. Dès qu’une banque s’écartera du droit chemin de la stabilité, les consommateurs ouvriront un compte ailleurs. En quelques secondes, vous pourrez transférer tout votre avoir de votre compte courant sur votre nouveau compte bancaire. « Bitcoin-bitcoin » serait le compte épargne du monde, et, les monnaie numériques privées seraient les comptes courants.
CONCLUSION
Derrière cette formulation « blockchain not bitcoin », nous avons vu au fil de nos pérégrinations que la technologie Bitcoin pouvait avoir plusieurs applications avec un très fort potentiel transformateur (banques traditionnelles, DeFi, monnaies numériques de banques centrales), voire totalement révolutionnaire avec le scénario que j’intitule système « hayékien ». Bitcoin a un profil presque uniquement révolutionnaire axé sur une proposition de système monétaire alternatif avec la soustraction des banques centrales, ou axé sur une valeur refuge puis d’épargne (bitcoin le « crypto-métal »). Nous avons vu aussi que n’importe quelle blockchain ne pouvait pas devenir Bitcoin, car Bitcoin est unique. Tout récemment, la Chine semble avoir fait le choix d’un isolement monétaire, peut-être aussi parce qu’elle pressent un changement de paradigme dans le monde occidental et qu’elle souhaite se protéger contre les bouleversements à venir. Les américains semblent pour l’instant laisser prospérer Bitcoin et certaines crypto monnaies. Un système de monnaies numériques privées libre et concurrentiel correspond à un certain esprit américain, et ils ont des atouts sérieux pour proposer des monnaies privées mondiales stables via les GAFA. Les européens prennent la voie d’une monnaie numérique de banque centrale, peut-être dans l’objectif de corriger les excès du capitalisme. Si l’Europe rate le train de la « tokenization » du secteur bancaire, les banques américaines, les GAFA, ou un nouveau géant de la Tech, vont conquérir le monde. Pour les africains, les monnaies numériques (MNBC ou autre) sont une vraie opportunité de rentrer dans le monde bancarisé en très peu de temps via les smartphones. Une fois qu’ils auront des MNBC, ils pourront éventuellement acheter du bitcoin pour sécuriser leur épargne. La « Culture » mondiale ne sera pas exempte de transformation, la rareté numérique va sans doute chambouler ce secteur (NFT). S’il était judicieusement employé (sans hyper concentration), bitcoin pourrait être un maître impérieux et discret qui gouverne sans jamais apparaître et sans jamais aussi être désobéi. Bien que le système existant montre des signes de faiblesses évidents va-t-il rompre ? En cas de déclin du dollar est-ce que le bitcoin et/ou les blockchains avec les monnaies numériques privées seraient la voie de la rédemption monétaire économique ? Une transition progressive me paraît peu concevable car les états ont le pouvoir d’arrêter bitcoin et plus globalement les crypto monnaies avec l’arme juridique. L’avenir de bitcoin et des blockchains semble étroitement lié à l’avenir du dollar, et aux évènements (volontaires ou involontaires style Cygne Noir ou Gris), dont l’épicentre serait les Etats-Unis.
Le monde ne devrait pas être « blockchain not bitcoin » ou seulement Bitcoin.
Le futur pourrait-être « Blockchains and bitcoin ».
REFERENCES
White paper « Bitcoin: A Peer-to-Peer Electronic Cash System » de Satoshi Nakamoto
Economie de crise de Nouriel Roubini et Stephen Mihm
Mastering Bitcoin d’Andreas Antonopoulos
The book of Satoshi de Phil Champagne
Bitcoin, la monnaie acéphale de Jacques Favier et Adli Takkal Bataille
Bitcoin, mode d’emploi de Pierre Noizat
L’internet de l’argent, d’Andreas M. Antonopoulos
Le capital au XXI ième siècle de Thomas Piketty
L’étalon Bitcoin de Saifedean Ammous
Le Cygne Noir de Nassim Nicholas Taleb
Antifragilité de Nassim Nicholas Taleb
« Bitcoin, Currencies, and Fragility » de Nassim Nicholas Taleb (publication arXiv)
The Price of Tomorrow: Why Deflation is the Key to an Abundant de Jeff Booth
L’âge du capitalisme de surveillance de Shoshana Zuroff
La troisième révolution industrielle de Jérémy Rifkin
La crise de l’abondance de François-Xavier Oliveau
Economie du bien commun de Jean Tirole
Le bug humain de Sébastien Bohler
Capitalisme et liberté de Milton Friedman
Pour une vraie concurrence des monnaies de Friedrich Hayek
La route de la servitude de Friedrich Hayek
La fin des banques ? de Philippe Herlin
Le péché monétaire de l’occident de Jacques Rueff
La richesse des nations d’Adam Smith
Dette, 5000 ans d’histoire de David Graeber
Œuvres complètes. Théorie monétaire de Jacques Rueff