La dette est souvent perçue comme un simple outil économique, un mécanisme nécessaire pour financer la croissance et les projets d'avenir. Pourtant, lorsqu'on observe la dynamique actuelle de l'endettement des États et des entreprises, il est difficile de ne pas voir une perversion profonde de ce qui devrait être un outil vertueux. Derrière l'explosion des dettes publiques et privées, se cache une alliance étrange et inquiétante : celle de la finance mondiale et des États. Cette alliance, que certains qualifient de « capitalisme de connivence », constitue une trahison des idéaux libéraux, et nourrit un système financiarisé qui s'éloigne de plus en plus de l'économie réelle.
Monnaie fiduciaire : cause, symptôme ou catalyseur ?
Beaucoup attribuent à la monnaie fiduciaire la responsabilité des dérives actuelles du système financier mondial. Cette monnaie, basée sur la confiance et non sur une valeur intrinsèque comme l'or, a facilité l'expansion sans limite des dettes. Pourtant, il me semble important de ne pas confondre cause et symptôme. La monnaie fiduciaire n'est pas la cause première des déséquilibres actuels, mais plutôt un symptôme ou, au mieux, un catalyseur. La véritable cause réside dans l'abandon progressif des principes libéraux qui, historiquement, ont toujours été associés à la prospérité et au progrès social.
Lorsque les États se sont éloignés des idéaux de responsabilité individuelle, de marché libre et de limitation du pouvoir étatique, ils ont ouvert la voie à une gestion irresponsable de l'économie. Les gouvernements ont troqué l'austérité budgétaire contre des politiques de relance fondées sur la dette, tandis que la finance mondiale s'est emparée de cette manne pour en tirer profit à travers la spéculation sur les obligations et la monnaie. Ainsi, la monnaie fiduciaire n'est pas à blâmer en tant que telle, mais plutôt l'utilisation qui en est faite dans un contexte de complaisance budgétaire et de connivence entre l'État et la finance.
L'endettement : un outil au service de la finance et de l'État
L'exemple de la dette est révélateur de cette alliance. D'une part, la finance mondiale trouve dans l'endettement des États une source inépuisable de profits. Les obligations d'État, adossées à des monnaies globales comme le dollar, offrent des garanties solides tout en permettant aux investisseurs de tirer profit des taux d'intérêt et des fluctuations des devises. Ce système est particulièrement développé dans le cadre du dollar offshore, qui circule en dehors des frontières américaines et alimente un système financier parallèle, détaché des réalités économiques locales. Cette financiarisation de l'économie mondiale permet à la finance de s'enrichir sans contribuer directement à l'économie productive.
D'autre part, la dette permet aux États d'étendre leur interventionnisme. Loin d'être un frein, l'endettement public est devenu un levier pour financer des politiques publiques coûteuses, souvent inefficaces, et pour renforcer le poids de l'État dans l'économie. Les dépenses publiques, qu'elles soient justifiées ou non, sont ainsi financées à crédit, reportant le fardeau sur les générations futures. Ce double mécanisme – enrichissement de la finance et croissance de l'État par l'endettement – illustre parfaitement l'alliance de la carpe et du lapin : deux entités a priori opposées, mais qui trouvent un terrain d'entente dans la gestion de la dette.
Le capitalisme de connivence : une perversion du libéralisme
Ce système n'a rien à voir avec le libéralisme authentique. Le capitalisme anglo-saxon, souvent perçu comme l'incarnation du libéralisme, a en réalité perverti cette doctrine en favorisant l'émergence d'un capitalisme de connivence, où la finance et les États s'allient pour leur propre bénéfice, au détriment - sur le long terme - des citoyens et des petites entreprises. Les libéraux, eux, prônent un marché libre où la concurrence est équitable, où l'État n'intervient que pour garantir les droits de propriété et faire respecter les contrats, et où la responsabilité individuelle est valorisée.
Dans le capitalisme de connivence, au contraire, la finance et les grandes entreprises mondialisées bénéficient de la protection de l'État, de subventions, de régulations avantageuses, et de facilités de crédit. Ce système favorise la concentration des richesses et des pouvoirs, et exclut les acteurs qui ne bénéficient pas de cette alliance. Les bitcoiners, qu'ils soient de gauche, de droite ou libéraux, dénoncent justement cette financiarisation excessive et l'abandon des principes du marché libre. Le bitcoin, avec sa décentralisation et son refus de l'intervention étatique, est vu par beaucoup comme une alternative face à ce système perverti.
Libéralisme ou socialisme : deux visions opposées
Face à ces dérives, deux solutions se dessinent. Pour certains (là où je me place), la solution réside dans un retour aux principes libéraux : moins d'État, moins de régulations, et moins de finance assise sur la monnaie facile et les dettes. Un tel retour impliquerait de responsabiliser les individus, de réduire les dépenses publiques et de libérer l'économie des contraintes étatiques qui freinent l'innovation et la croissance. Ce serait également un moyen de rétablir un lien plus direct entre la monnaie et l'économie réelle, en limitant la création monétaire à des fins purement spéculatives.
D'autres, au contraire, voient dans cette situation l'opportunité de renforcer le rôle de l'État et de promouvoir une solution socialiste. Selon eux, les inégalités croissantes et les crises financières justifient une intervention accrue de l'État, non seulement pour réguler la finance, mais aussi pour redistribuer les richesses et nationaliser certains secteurs clés de l'économie. Cette vision, cependant, repose sur une illusion dangereuse. L'histoire a montré à maintes reprises que le socialisme, bien qu'il promette une plus grande égalité, mène inévitablement à une concentration du pouvoir, à une inefficacité économique, et à une perte de libertés individuelles.
L'incompréhension du libéralisme
Le véritable drame de notre époque est l'incompréhension croissante du libéralisme. Alors que cette doctrine a toujours été la base du progrès social et économique, elle est aujourd'hui vilipendée par une large part de l'opinion publique. Ce rejet s'explique en partie par l'amalgame entre le libéralisme et le capitalisme de connivence. Pourtant, ces deux systèmes sont fondamentalement opposés : là où le libéralisme prône la responsabilité individuelle et la liberté économique, le capitalisme de connivence favorise les privilèges et la collusion entre l'État et la finance.
Ce malentendu alimente les populismes de tous bords, qu'ils soient de droite ou de gauche. En rejetant le libéralisme, ces mouvements se tournent vers des solutions autoritaires et interventionnistes, qui ne feront qu'aggraver les problèmes actuels. L'enjeu est donc de réhabiliter le libéralisme, non pas comme une doctrine permissive qui laisserait libre cours aux excès de la finance, mais comme une discipline exigeante qui demande rigueur, responsabilité et respect des droits individuels. C'est là, à mon sens, la seule voie pour sortir de l'impasse actuelle et éviter les erreurs du passé.
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